La construction de la forteresse de Château-Gaillard s'inscrit dans la lutte que se livrent depuis les années 1060 les rois de France et les rois d'Angleterre, alors ducs de Normandie. En 1189, Richard Ier dit Richard Cœur de Lion hérite des biens et possessions territoriales de son père Henri II Plantagenêt, partagés entre la France et l'Angleterre. Richard Coeur-de-lion est le troisième fils d’Henri II d’Angleterre et d’Aliénor d’Aquitaine.
Le roi Philippe Auguste, jusque-là allié de Richard Coeur-de-lion, s'éloigne de lui. Ils partent toutefois ensemble dès l'hiver 1190-1191 pour la Terre sainte dans le cadre de la troisième croisade. Toutefois, après quelques mois, Philippe Auguste retourne dans son royaume et profite de l'absence de Richard pour entamer la conquête du duché de Normandie avec la complicité du propre frère de Richard, Jean sans Terre.
Dès son retour, Richard Coeur-de-lion entreprend avec énergie de récupérer la suprématie sur la frontière orientale de son duché de Normandie. En 1194, après avoir battu l'armée du Capétien à Fréteval près de Vendôme, le roi d'Angleterre conclut avec ce dernier le traité d'Issoudun selon lequel il entérine la concession de Gisors, Gaillon et Vernon que son frère Jean sans Terre avait déjà perdues lors de son absence. La cession de ces trois places au roi de France fragilise la frontière orientale du duché de Normandie placées sur l'Epte et partant Rouen, sa capitale, qui se trouve directement menacée.
Richard Coeur-de-lion décide alors de construire en avant de Rouen, une grande forteresse pour barrer la rive droite de la vallée de la Seine et interdire le passage par voie fluviale. Il choisit la couture d’Andely entre Vernon et Rouen, située à l'extrémité d’un important méandre du fleuve. Pour verrouiller la vallée de la Seine, outre la construction de Château-Gaillard, Richard fonde le bourg du Petit-Andely, fortifie l'île située au milieu du fleuve et barre le cours de celui-ci. Le choix des Andelys par Richard pose un double problème : d'une part, le lieu est à l'époque, propriété de l'archevêque de Rouen Gautier de Coutances ; d'autre part, le duc n'a pas le droit de fortifier l'endroit selon les termes du traité de Gaillon de 1196. Cependant, il n'a pas le choix s'il veut défendre la vallée de la Seine, il passe donc outre.
Pressée par l'imminence d'un retour de la guerre, la construction du château prend moins de deux ans et en 1198, les travaux sont achevés. Le résultat impressionna les contemporains. Richard Coeur-de-lion a soigneusement choisi le site où bâtir sa place-forte. Aux Andelys, la Seine décrit un méandre assez serré. Dans la courbe, face à la presqu'île, une falaise d'une centaine de mètres de haut s'avance comme la proue d'un navire au-dessus du fleuve. Une langue de terre rattache cet éperon au plateau qui s'étend par derrière. Richard va tirer le meilleur parti de cette position stratégique. Le seul côté par lequel on peut attaquer le château, c'est le côté du plateau. Tout un système de défenses successives qui s'emboîtent à la manière des poupées russes est donc mis en place de ce côté. Le donjon, l'ultime retraite, est retranché au-dessus de l'à-pic qui domine le fleuve.
Le système défensif dépassait de loin la seule forteresse encore visible aujourd'hui et bloquait littéralement le fleuve. Au pied du château, le bourg fortifié de la Couture, embryon du Petit Andely avait été créé. De là, un pont enjambait la Seine et prenait appui sur l'île fluviale dite du Château, qui accueillit un petit château polygonal : le château de l'île. Quelques centaines de mètres en amont du fleuve, une triple rangée de pieux empêchait la descente des navires : l'estacade. Deux mottes castrales servaient d'avant-postes : la tour de Cléry, sur le plateau, et celle de Boutavant dans la vallée, dont on peut encore voir quelques restes sur l'île La Tour. Au centre, poste d'observation magistral et imprenable, le Château-Gaillard, appelé aussi château de la Roche de la Roque en normand. Cet aspect est assez bien connu grâce aux multiples fouilles et aux comptes de l'Échiquier de Normandie.
Château-Gaillard est en pierre. Il se distingue par la complexité de son plan avec une combinaison de défenses échelonnées en profondeur, face au plateau d'où l'attaque devait surgir. Le château ne ressemble pas aux forteresses construites ou améliorées dans la première moitié du XIIe siècle, par le roi Henri Ier. Ces dernières se présentaient généralement sous la forme d'un grand rempart de pierre enfermant un vaste espace ; un donjon carré ou une porte fortifiée complétait le dispositif défensif. Château-Gaillard s'organise en multiples volumes, emboîtés ou presque indépendants les uns des autres. L'objectif est clairement de multiplier les obstacles afin d'épuiser l'assaillant. Cette disposition a également pour finalité d'entraver la progression des machines et nécessite moins de défenseurs.
Le donjon, situé au sein d'une haute-cour et constituant un refuge ultime au cœur de la forteresse, est l'un des éléments les plus originaux et les mieux conservés. Il se présente sous la forme d'une tour circulaire sur les trois quarts, mais doté d'un angle au sud-est, et renforcée, d'une part par un éperon, et d'autre part par des contreforts en forme de pyramides inversées, sauf sur la partie ouest côté falaise. Ces contreforts se rejoignaient en arcs brisés qui supportaient des mâchicoulis. Ces derniers éléments ont disparu avec la partie supérieure du donjon qui a été arasée au xviie siècle. Le donjon comptait trois niveaux mais l'entrée se faisait par le premier étage au nord-ouest via un long escalier de pierre aujourd'hui disparu. L'ouverture de baies géminée, côté falaise, indique que la tour avait une fonction résidentielle en plus de son rôle défensif.
La haute-cour de Château-Gaillard, qui abrite le donjon, est entourée par une enceinte (chemise) et un fossé externe. La haute-cour comportait également une grande salle (aula), un four à pain et une armurerie. Des celliers étaient creusés dans la roche du fossé, au pied de la chemise, et ils pouvaient assurer le ravitaillement d'une garnison pendant deux ans. Assez bien conservée, la chemise de forme ellipsoïdale, constitue une partie originale. Elle présente en effet, côté plateau, un flanquement en feston grâce à des tours contiguës, supprimant tout angle mort au pied du mur, et lui assurant une meilleure résistance face aux gros projectiles et supportant probablement des mâchicoulis. Cette innovation ne fut pas imitée. Côté falaise, l'enceinte montre en revanche un mur plat et peu épais et se confond partiellement avec le donjon. Des fenêtres trouent la muraille.
La basse-cour de Château-Gaillard englobe la haute-cour et son donjon. Elle était entourée d'un fossé sec équipé d’obstacles, surmonté d'un rempart polygonal et de tours, dont il ne reste plus grand chose. Une chapelle en pierre, côté falaise, et des bâtiments domestiques se trouvaient à l'intérieur.
L'ouvrage avancé défensif de forme polygonale est pourvue de flanquements circulaires. Il forme une partie quasi-indépendante du château puisque seul un pont mobile enjambant un fossé le reliait à la basse-cour. Il avait pour utilité de renforcer la défense du côté le plus vulnérable de Château-Gaillard, c'est-à-dire du côté du plateau en surplomb. Il servait aussi d'entrée au château, ce qui l'apparente à une barbacane.
L'ensemble des éléments du château sont isolés par un fossé. Un puits de 120 mètres (20 m sous le niveau de la Seine) est creusé dans le sol calcaire de la basse-cour, tandis que des citernes stockent l'eau dans la haute-cour et l'ouvrage avancé. Des caves aménagées sous la basse-cour et accessibles par le fossé sud entourant la chemise assurent la conservation des denrées nécessaires pour soutenir un long siège.
Partez à la découverte de l'histoire médiévale française des XIIe et XIIIe siècles, dans les entrailles d'une forteresse normande. Château Gaillard se décompose en trois parties distinctes : l'ouvrage avancé, la basse-cour et la haute-cour. Cette dernière est la mieux conservée. Pour autant, le château se visite entièrement, seul ou accompagné d'un guide qui retracera, pendant 45 minutes à une heure, le contexte historique et géopolitique au moment de la construction, ainsi que l'architecture de l'édifice en elle-même. S’il y a une visite incontournable à faire sur Les Andelys, c’est bien celle du majestueux Château Gaillard surplombant à la fois le Petit Andely et l’une des plus belles boucles de la Seine.