Le Quesnoy est l’une des rares villes de France qui possède encore ses murailles. Déclassées en 1901, les fortifications ont été restaurées par la ville à partir des années 1980. Siècle après siècle, la ville a veillé à entretenir et préserver ces deux kilomètres de remparts. Pour les défenses hydrauliques, deux des trois bassins existent encore et sont entretenus par un curage périodique. La place de Le Quesnoy illustre le génie d’adaptation de Vauban à des ouvrages existants et ses connaissances en matière hydraulique, faisant de l’eau un élément à part entière de son système de défense.
Avant de parler des fortifications du Quesnoy, il est nécessaire de donner quelques précisions sur l'histoire de la ville. Le territoire du Quesnoy était un alleu portant le nom de Noflus, appartenant à la manse épiscopale de Cambrai. L’évêque Nicolas Ier, de Chièvres, vendit cette terre inculte et peu habitée au Comte de Hainaut Bauduin IV , en 1148. Bauduin IV, dit l’Édifieur (1125-1171), s’empressa d’élever un château-fort sur la Motte de Noflus, une crête de partage des eaux entre deux affluents de l’Escaut, pour établir sa domination sur la contrée qu’il venait d’acquérir, puis des murailles avec fossés en 1150. Cette date est celle de la fondation de la cité du Quesnoy.
Cette première enceinte est composée de murailles crénelées avec chemin de ronde et ponctuée de tours circulaires. Elle est précédée par un fossé. Le château est carré à quatre tours d’angle et donjon central, entouré aussi d’un fossé. Les bâtiments sont dominés par une forte tour et l’ensemble constitue une véritable forteresse. Une haute tour de guet surmonte les bâtiments et la grosse tour. Un cours d'eau dit canal de l'Ecaillon fut creusé pour amener les eaux de la forêt de Mormal jusqu'au faubourg de Fauroeulx, situé à l'est de la ville. De vastes viviers furent alors ménagés : viviers d'Onoilles, du Gard et de Saint-Martin, le Neuf Vivier, qui permirent de tendre des inondations défensives, grâce à un jeu complexe d'écluses.
En 1184, les impératifs de mise en défense du Château obligent Beaudouin V à incendier la ville pour empêcher que le comte de Flandre n’y trouve appui pour assiéger le château.
Du château, édifié au XIIe siècle par le comte Baudouin IV de Hainaut, il subsiste peu de vestiges : une porte d'entrée et un ensemble de caves de grès romanes remarquables. Il s’agit d’un ensemble remarquable, bien conservé malgré la construction de murs de refends datant de la campagne des années 1680 afin d’en améliorer la solidité. Le grand bâtiment actuel dit Cernay date en fait de 1681. Il fut la demeure des Comtes de Hainaut, également comtes de Hollande et de Zélande. Son dernier souverain fut une femme qui naquit au château en 1401 : Jacqueline comtesse d'Ostrevent fille de Marguerite de Bourgogne. Charles le Téméraire puis sa fille furent les derniers souverains à y résider. Il fut ensuite délaissé et quasi abandonné à partir du XVIe siècle.
En 1314, le comte de Hainaut Guillaume Ier (1304-1337) renforce les fortifications médiévales.
De 1370-1380 à 1412 : 7 tours et trois portes de l'enceinte furent édifiées ou réédifiées de la porte de Fauroeulx à celle de Saint-Martin. En 1386 deux nouvelles tours dites "tour clémence et tour contre le neuf vivier", de même que la nouvelle porte de Fauroeulx, étaient achevées. En 1387 débuta la reconstruction de la porte Saint-Martin, dont le gros-oeuvre était réalisé à la fin de la saison 1389. Deux tours, dont l'une est dite "tour dou courtil charlet" furent érigées en 1392-1393 entre la porte de Flamengrie et celle de Valenciennes. Cette même année le sire d'Ostrevant, futur comte de Hainaut Guillaume IV (1405-1417), posait la première pierre de la nouvelle porte de Valenciennes. De 1401 à 1403 fut construite la tour "du courtil cauffechire" surnommée aussi grosse tour, située à côté de la porte Saint-Martin, de 1406 à 1407 celle dite de "maquare" assez proche de la porte de Valenciennes.
Quatre portes, celles de Fauroeulx, La Flamengrie, Valenciennes et Saint-Martin, donnaient respectivement accès aux routes de Landrecies, Bavay, Valenciennes et Cambrai. Trois portes furent reconstruites à la fin du XIVe siècle. Celle de Fauroeulx vers 1380-84 était constituée d'un châtelet à deux tours. A la fin du XVe siècle, l'enceinte du Quesnoy était flanquée par environ une trentaine de tours dont la majeure partie étaient le fruit des restaurations du XIVe et du début du XVe siècle. La défense des tours était assurée par des archères-canonnières du type à bêche large permettant le tir d'armes à feu de moyen calibre, et par les machicoulis qui couronnaient le sommet des murailles.
La création de l'enceinte moderne du Quesnoy s'inscrit au cours des XVe et XVIe siècles dans une période d'affrontement entre le royaume de France et les ducs de Bourgogne qui se prolonge lorsque les territoires bourguignons passent à la maison de Habsbourg à la fin du XVe siècle à la suite du mariage de Marie de Bourgogne, fille de Charles le Téméraire, duc de Bourgogne avec Maximilien Ier de la maison de Habsbourg. À cette même époque, la guerre de Succession de Bourgogne à la fin du XVe siècle a entrainé la perte de la Picardie pour les Pays-Bas bourguignons avec un déplacement de la frontière vers le nord à la frontière avec l'Artois resté bourguignon.
Mais c'est surtout l'apparition puis la généralisation de l'artillerie au XVe siècle, ayant rendu obsolètes les fortifications médiévales, qui vont pousser ces deux puissances au cours du XVIe siècle à établir de nombreuses fortifications le long de leur frontière commune.
L’enceinte médiévale est remplacée partiellement par une enceinte moderne sous les Espagnols à partir de 1527. Cinq bastions à orillons carrés sont placés devant les remparts et font disparaître la majorité des tours du Moyen-Âge. Le tracé des remparts subit des rectifications partielles, des terrées sont placées derrière les murailles, le système d’inondations défensives est amélioré et divisé en trois bassins principaux. On conserve une douzaine de tours médiévales. Deux encadrent la porte Fauroeulx tandis que les portes de Valenciennes et de Saint-Martin s’ouvrent chacune dans une grosse tour semi-cylindrique ; les autres subsistent sur les courtines. Sur la moitié de la place, du sud-est à l’ouest, des marécages rendent l’approche difficile. Des étangs, des fossés et des viviers occupent le fond de vallon humide.
Les quatre portes médiévales sont conservées dans un premier temps, avant que Charles Quint ne fasse murer la porte de Flamengrie en 1543 pour améliorer le système de défense aquatique. Sous ses ordres, les abords de la place forte sont également dégagés et des demi-lunes de terre sont édifiées autour des fossés.
Philippe IV d’Espagne ordonne des réparations entre 1637 et 1643. Les remparts sont restaurés et reçoivent des palissades. Des corps de garde et des ouvrages détachés prennent place dans et devant les portes, qu’elles soient conservées ou non. Une demi-lune en terre est ajoutée. Toutes les demi-lunes sont équipées de fraises, de fausse-braies et de chemins couverts palissadés. La troisième porte de l’enceinte, celle de Saint-Martin, possède deux demi-lunes successives pour la flanquer. La quatrième porte, celle de Fauxroeulx, reculée et reconstruite à l’identique avec deux tours, reçoit la dernière demi-lune construite durant cette période.
Assiégée plusieurs fois par la France et les Pays-Bas depuis les règnes de Louis XI de France et Charles le Téméraire de Bourgogne, la ville est prise sous Louis XIV en 1654 et rattachée définitivement à la France par le traité des Pyrénées de 1659. Après la cession de la ville, les premiers chantiers français consistent en une restauration de la place forte, minée par les Espagnols avant leur défaite de 1654. A cette occasion, la porte Saint-Martin est murée, ne laissant plus que les portes de Valenciennes et de Fauxroeulx comme issues. De 1654 à 1657, les frères Talon, intendants de la région font réparer les dégâts du siège de 1654.
En 1659, l’ingénieur La Touche propose un vaste plan de modernisation : les cinq bastions doivent être détachés du corps de place, la demi-lune de la porte Forest doit être agrandie et revêtue et la partie est de l’enceinte, toujours médiévale, doit être défendue par une sorte de citadelle hexagonale dépourvue de bastion contre la ville. Ce projet n’est pas réalisé, excepté une contregarde devant le bastion vert et l’ajout du bastion royal, alors de même forme que les bastions espagnols de Charles Quint.
Vauban intervient à partir de 1668 ; il conserve quatre bastions datant de l’époque de Charles Quint et en construit quatre nouveaux. Il reconstruit les deux fronts du bastion royal en flanquement obtus et restructure tous les bastions existants en bastions à orillons courbes. Le demi-bastion du château est ajouté, les demi-lunes sont rectifiées, le saillant du sud-ouest de l’enceinte est recoupé par l’ajout de deux autres bastions (Saint-Martin et du Gard) et d’une tenaille, tandis qu’un bastion espagnol est refait en demi-lune. Les parements et les fossés sont complètement remplacés et les parapets sont surélevés. Les batardeaux et la digue de l’étang d’Aulnoye sont bâtis en 1672. L’étang du Fer à Cheval et des redoutes complètent les défenses.
La réfection est interrompue en 1673 par la Guerre de Hollande mais reprend deux ans plus tard avec la création de l’étang du Pont Rouge et un projet inabouti d’ouvrage à corne pour remplacer la demi-lune Fauxroeulx. Deux contregardes supplémentaires sont construites devant les bastions Soyez et César entre 1680 et 1686. A l’issue de ces chantiers, Le Quesnoy est intégrée à la première ligne du Pré Carré. En 1698, après la Guerre de la Ligue d’Augsbourg, Vauban dépose un dernier projet de modernisation : les demi-lunes de terre des fronts 6 à 8 doivent être maçonnées et agrandies et dotées de tenailles, la contregarde du bastion Soyez doit être achevée et une autre ajoutée au bastion impérial. La défense de la porte Fauxroeulx doit être améliorée par la création d’un retranchement entre les deux étangs défensifs. L’ingénieur Génédot, en poste sur place critique ce projet mais ne propose rien d’autre en échange. Les travaux prévus par Vauban ne sont pas réalisés.
En 1710, deux lunettes sont construites à l’emplacement de l’ouvrage à corne non réalisé de la porte Saint-Martin. Les Hollandais, qui occupent la ville depuis 1712, réalisent le projet vaubanien d’ouvrage à corne porte Fauxroeulx et construisent une contregarde au bastion Saint-Martin et trois demi-lunes près du château en 1713. Les années 1720 voient d’autres améliorations placées dans la ligne des projets de Vauban de 1700 : construction de redoutes externes et remplacement de l’ouvrage à corne Fauxroeulx par un autre plus petit.
La place du Quesnoy est déclassée le 26 juin 1867, le rempart est percé à l'ancienne porte Flamengrie pour créer une nouvelle rue vers la gare. À la fin de la guerre franco-allemande de 1870, le général Séré de Rivières est chargé de renforcer la frontière française et pour ce faire il va créer des places fortes autour des villes composées d'ouvrage de fortification polygonale. Il décide de construire une place fortifiée à Valenciennes ainsi que des ouvrages pour défendre la forêt de Mormal, de ces ouvrages, seul le fort de Curgies est construit au sud de Valenciennes tandis que la place du Quesnoy est en parallèle reclassé en 1878 pour servir de fort d'arrêt.
Les fortifications sont réparées et des ajouts sont effectuées selon les méthodes du système Séré de Rivières : le bastion royal reçoit un casernement moderne similaire à celui des forts du système provoquant la destruction des deux tours médiévales restantes sur l'ancienne courtine derrière à la gorge du bastion ; sur le bastion du Gard deux traverses-abris avec plates-formes de tir sont ajoutées ; sur le bastion Vert une traverse-abri traversante est ajoutée de même que des abris à la gorge du bastion ; sur le bastion César une traverse-abri traversante est ajoutée, une poudrière casematée est construite en 1882 à la gorge du bastion, remplaçant l'ancienne poudrière du XVIIe siècle, les deux casemates à embrasures de tir dans le flanc droit du bastion César sont probablement également rajoutées à cette époque ; sur l'ouvrage à cornes de Faurœulx, une traverse-abri est ajoutée dans le bastion gauche et une autre traversante dans le droit, un abri est également ajouté au souterrain de la poterne du flanc du bastion gauche ; en 1885, la porte de Valenciennes percée à travers une tour est démolie, le rempart est simplement percé en remplacement, les portes Faurœulx et de l'ouvrage à cornes sont également modifiées à cette époque, l'ancienne porte est supprimée, deux passages latéraux couverts sont percés pour la porte Faurœulx et un seul pour celle de l'ouvrage à cornes. Un abri est également ajouté à droite de l'ancienne porte Saint-Martin.
Le Quesnoy présente un intérêt important dans l’œuvre de Vauban en tant que place remaniée intégralement conservée. De plus, les modifications ultérieures permettent de documenter l’évolution de la fortification bastionnée, donc la filiation de Vauban, jusqu’au XIXe siècle.
On peut toujours admirer aujourd'hui les tours qui encerclent la ville depuis le XVIIe siècle ainsi que de nombreux autres monuments : la tour de Baudoin l'Edifieur, l'une des plus anciennes de l'ensemble, le Bastion César érigé sous Louis XIV, le bastion Vert et l'hôpital de siège, ou encore la porte Fauroeulx, la seule qui n'ait pas souffert de la Seconde Guerre mondiale et de ses dégradations.