Histoire de l'Abbaye Saint-Wandrille (76)
Nichée dans la vallée de la Seine, à quelques kilomètres de Rouen, l’Abbaye Saint-Wandrille de Fontenelle est l’un des plus beaux témoignages de la vie monastique en Normandie. Fondée au VIIᵉ siècle, elle a traversé les âges, les guerres et les révolutions, tout en conservant son rôle spirituel et culturel. Découvrons ensemble l’histoire de ce lieu hors du temps.
Situé sur la rive droite de la Seine, entre Le Havre et Rouen, Saint-Wandrille-Rançon est située dans le département de la Seine-Maritime en Normandie. Créée en 1825, Saint-Wandrille-Rançon a fusionné le 1er janvier 2015 avec deux autres communes voisines dans la commune de Rives-en-Seine. Elle fait partie du parc naturel régional des Boucles de la Seine normande. Les rivières Fontenelle et Rançon traversent le village avant de se jeter dans la Seine. Ce village est surtout connu pour son abbaye, l'abbaye de Saint-Wandrille. C'est l’un des plus anciens témoins de l’implantation religieuse en vallée de Seine.
L'abbaye Saint-Wandrille, anciennement abbaye de Fontenelle, est une abbaye bénédictine de la congrégation de Solesmes. Pour vous y rendre depuis Rouen et Le Havre, en venant par l’A13, empruntez la sortie Bourg Achard n°25 et suivez la D913 en direction de La Mailleraye-sur-Seine puis la D313 sur quelques kilomètres avant de rejoindre l’abbaye de Saint-Wandrille-Rançon.
Découvrez le parcours millénaire de l’abbaye fondée en 649, de son âge d’or à ses multiples renaissances.
L’histoire fascinante de l’Abbaye Saint-Wandrille : un joyau spirituel et architectural de Normandie
Un site aux origines gallo-romaines
Avant la fondation monastique, ce vallon sur la rive droite de la Seine abritait un domaine gallo-romain bordé par un ruisseau alors anonyme. L'ancien nom du ruisseau aujourd'hui dénommé Fontenelle, demeure inconnu, où un moulin aurait été construit.
Les origines : Fondation et premiers développements (649-740)
Le 4 mars 638, ce domaine fut concédé à titre personnel au roi Dagobert, puis confirmé par Clovis II le 4 février 649, ouvrant la voie à la restitution aux religieux peu après.
Le 1ᵉʳ mars 649, Erchinoald, maire du palais de Neustrie auprès de Clovis II, céda ses droits sur un domaine royal situé sur la Fontenelle, affluent de la Seine, à deux moines, Wandrille et son neveu Gond, lors d’un acte passé à Compiègne. Cette cession fut formellement ratifiée par Clovis II le 1ᵉʳ mars 650, transférant au jeune monastère la pleine propriété du terrain et de ses revenus.
Saint Wandrille, est un ancien courtisan devenu moine après avoir renoncé aux honneurs du royaume mérovingien. En effet, Saint Wandrille est issu d'une famille noble d'Austrasie, il est le petit-fils de Waldrade (la sœur de Pépin l'Ancien) par son père Walchisus. Mais sa femme et lui décident de se consacrer à une vie monacale, pèlerinant à la recherche de ses voies spirituelles. Nous le trouvons en effet à Montfaucon en France, à Sainte Ursanne en Suisse, à Bobbio en Italie, en Suisse et même en Irlande. C'est saint Ouen qui l'arrête en Normandie. Il s'installa alors à Fontenelle, dans la forêt de Jumièges
La première communauté et les premières constructions
Sous la direction de Wandrille, humble disciple de saint Ouen, la petite communauté s’organisa rapidement. Wandrille, humble et fervent, établit la règle bénédictine. Son ordre monastique était fondé sur « l'union, la charité et l'humilité ». Il fit édifier sept églises dédiées à saint Pierre, saint Paul, saint Laurent, saint Pancrace, saint Saturnin, saint Amand et Notre-Dame. À sa mort, le 22 juillet 668, le monastère comptait déjà une trentaine de moines et rayonnait spirituellement dans toute la région.
De 650 à 668, saint Wandrille et les moines construisent les bâtiments, ainsi qu'une bibliothèque, contenant les œuvres de saint Grégoire Ier, rapportées de Rome par saint Gond, ainsi que la règle de saint Colomban.
De 678 à 690, saint Ansbert, nouvel abbé de l'abbaye, construit un hôpital pour douze pauvres et seize malades. En 704, le roi Childebert III l'Adopté fait don à l'abbaye du domaine d'Aupec et de ses dépendances. En 787, sur ordre de Charlemagne, un polyptyque, aujourd'hui perdu, est établi par Landry, abbé de Jumièges et Richard, comte de Rouen. Saint Gervold qui devient abbé en 787, gouverna l'abbaye pendant dix-huit ans jusqu'en 806 et fut chargé par Charlemagne de fonctions. Il fit reconstruire le chauffoir, les cuisines, l'infirmerie, ainsi que plusieurs autres parties de l'abbaye. Elle est la troisième abbaye de la province de Rouen après Saint-Ouen et Saint-Evroult.
Le nom de Fontenelle et l’essor spirituel
Du temps de saint Wandrille l'abbaye se démarque en n'acceptant pas de donations hormis la dot dont les moines disposent à leur entrée dans l'établissement. Le nouvel établissement prit le nom de Fontenelle, sans doute en référence au ruisseau qui le traversait. Les successeurs de Wandrille, comme saint Lantbert (futur évêque de Lyon) et saint Ansbert saint Ansbert (futur évêque de Rouen), firent prospérer la vie spirituelle et intellectuelle du lieu, bientôt reconnu comme un foyer de sainteté et de savoir dans la Neustrie carolingienne.
La communauté connaît un essor remarquable. De nombreux saints issus de la vallée de Fontenelle voient le jour : saint Erembert († 671), saint Vulfran († 697), saint Hermeland († 720) ou encore saint Hugues († 732). Cette prospérité dure jusqu’aux environs de 740. Installée sur le domaine de Fontenelle, l’abbaye devient rapidement un centre religieux et intellectuel majeur, rayonnant bien au-delà de la Normandie.
Dès ses débuts, la communauté bénédictine s’attache à la prière, à l’enseignement et à la copie des manuscrits, faisant de Saint-Wandrille un pôle de savoir incontournable du Haut Moyen Âge. Au fil des siècles, l’abbaye connaît un véritable âge d’or. Ses églises romanes et gothiques s’élèvent fièrement, et la vie monastique attire de nombreux religieux.
Vie quotidienne des moines à Saint-Wandrille
Chaque moine prononce trois vœux : stabilité (fidélité à la communauté), conversion de vie (comprenant pauvreté et chasteté) et obéissance (remise de sa volonté personnelle). Cette discipline forge une vraie fraternité : on cherche Dieu d’abord dans la prière, ensuite dans le travail manuel et les lectures, enfin dans le service mutuel et l’accueil des hôtes.
Selon la règle de saint Benoît, la vie monastique se structure autour de trois pôles : l’Opus Dei (les offices), les Saintes Lectures (lectio divina et études), le travail manuel (labor). Les moines se lèvent à 5 h pour l’office des Laudes et terminent leur journée à 21 h après les Complies. Ils célèbrent sept offices : Vigiles (vers 2 h du matin), Laudes, Prime, Tierce, Sexte, None, Vêpres et Complies, ponctuant ainsi leurs journées par la prière communautaire et personnelle.
Le scriptorium et l’atelier de restauration de livres perpétuent l’art des copistes et des relieurs. Les moines cultivent potagers et vergers, entretiennent le parc, et gèrent la brasserie : ils brassent et commercialisent leur propre bière, de la fermentation au conditionnement des bouteilles. Les repas ont lieu en réfectoire, dans un climat de silence relatif : il est autorisé de parler, à condition que la parole reste discrète. La communauté est réputée pour être « bons vivants » : cidre, vin et bières monastiques peuvent ponctuer les festins des grandes fêtes ou des célébrations internes.
L’abbaye offre une hôtellerie monastique où pèlerins et visiteurs vivent au plus près du rythme des moines. La maison d’hôtes propose retraites et sessions de lectio divina, dans le respect de la règle : les échanges y sont sobres et guidés, toujours sous le regard de la prière et du silence fraternel.
En plongeant dans cette quotidienneté millénaire, on perçoit combien la vie à Saint-Wandrille conjugue recueillement, travail et convivialité, selon l’équilibre tracé par saint Benoît.
L’âge d’or intellectuel et spirituel (823-852)
Après une période perturbée par des abbés laïcs, Anségise de Fontenelle, nommé abbé en 823, restaure la vie monastique : reconstruction des bâtiments, enrichissement de la bibliothèque et du trésor, établissement d’une vie régulière inspirée par la règle bénédictine
C’est à cette époque que sont rédigés les Gesta sanctorum patrum Fontanellensis, considérés comme la plus ancienne chronique monastique d’Occident. Ils mentionnent notamment l’existence d’une première « salle capitulaire », appelée bouleutérion. La Vita Wandregisili est également revue et augmentée, tout comme les vies des saints Lantbert, Condède et Hermeland.
Anségise de Fontenelle entreprit des travaux considérables. Il fait bâtir « un dortoir de 208 pieds de longueur sur 27 pieds de largeur et 64 pieds de hauteur » ; on y voyait, au milieu, une pièce en saillie ayant un pavé composé de pierres artistiquement disposées et dont le plafond était peint. Il fait décorer également le réfectoire de peintures. Pour la décoration du réfectoire, il fait venir de Cambrai un peintre de grand renom : Madalulfe. Les fenêtres étaient vitrées, et toutes les boiseries étaient en chêne. Ce réfectoire était une partie d'un bâtiment qu'il avait fait construire et divisé en deux, l'autre partie servant de cellier.
Vers 830, il aménage la haute tour lanterne « Sur cette basilique Saint-Pierre, il fit placer une flèche quadrangulaire haute de 35 pieds, faite de bois tourné, posée sur le sommet de la tour de cette église. Il la fit couvrir de plomb, d'étain et de cuivre doré et y posa trois cloches ; auparavant ce n'était qu'un travail très modeste. Il fit recouvrir de neuf cette tour et aussi l'abside avec des tuiles de plomb ».
Il fit réaliser un autre corps de bâtiment appelé « La Grande Maison », qui renfermait un appartement avec une cheminée et touchait d'un côté au réfectoire et de l'autre au dortoir ; comme ces deux derniers bâtiments devaient être, d'après la chronique, en contact avec l'église du côté nord, il paraît facile de tracer le plan du monastère à cette époque. Il devait se composer d'une cour carrée enclose au midi par l'église, à l'est par le dortoir, à l'ouest par le réfectoire et au nord par le grand bâtiment dont on ignore la destination.
Il semble probable qu'il y avait à l'ouest une seconde cour renfermant les magasins et autres dépendances du monastère. Le long des constructions dont la Chronique de Fontenelle nous donne une description si intéressante, et à l'intérieur de la cour, se trouvaient des portiques construits par ordre d'Anségise, dont le toit et la charpente reposaient sur des pilastres. L'église bordait d'un côté la cour du cloître. À Fontenelle, le cloître était placé au nord de l'église.
Dans ses constructions Anségise n'avait pas oublié la bibliothèque, qui était près du réfectoire. Les rayons ou planches supportant les livres étaient fixés avec des clous de fer, le chartrier se trouvait près du dortoir. On voyait à Fontenelle, près de l'abside de l'église une première salle, construite par saint Anségise, pour les délibérations que l'on désignera plus tard sous le nom de salle capitulaire.
Une charte de Charles le Chauve datée du 21 mars 854 indique que les religieux de Fontenelle possèdent des biens au Pecq (Yvelines), à Chaussy-en-Vexin (Val-d'Oise), à Pierrepont dans la commune de Grandcourt, Bution et Marcoussis dans l'Essonne.
Mais l’histoire de Saint-Wandrille est aussi marquée par des épreuves :
IXᵉ siècle : l’abbaye est ravagée par les incursions vikings.
À partir du IXᵉ siècle, les Vikings, navigateurs et pillards venus de Scandinavie, commencent à remonter les grands fleuves européens, notamment la Seine, la Loire et la Garonne. Ces navigateurs maîtrisent la navigation fluviale grâce à leurs drakkars au tirant d’eau faible, ils adaptent leurs tactiques : raid-éclair, surprise au lever du jour, repli rapide.
Leur objectif : piller les villes, les monastères et les abbayes riches en or, manuscrits et reliques. Les monastères, souvent isolés et peu défendus, deviennent des cibles privilégiées. L’abbaye de Saint-Wandrille, située en bord de Seine, n’échappe pas à cette menace.
Raids vikings
En mai 841, un premier raid de pirates nordiques, conduit par Oskar (Ásgeir), brûle Jumièges et ses environs ainsi que Rouen, mais ne touche pas à l'abbaye Saint-Wandrille pour laquelle saint Foulques (mort en 845), l'abbé en fonction, parvient à payer une rançon. Louis du Maine, un de ses successeurs, se voit obligé de réitérer deux fois la même opération de paiement de rançon.
Le raid de 862 : destruction et fuite
Le 9 janvier 862, les troupes vikings menées par le chef Oschéri incendient l’abbaye de Fontenelle (ancien nom de Saint-Wandrille). Ce raid est particulièrement violent : les bâtiments sont pillés et brûlés, les moines fuient en emportant les reliques de saint Wandrille et de saint Ansbert. Ils évacuent aussi leur librairie, qui contient des éléments de la production hagiographique pré-normande dont certains nous sont parvenus, d'autant plus importants pour leur rareté. Le moine Harduin de Fontenelle a laissé de nombreux écrits.
Ce n’est pas un événement isolé : les Vikings établissent des camps retranchés à Jeufosse et Bièce sur la Seine, et poursuivent leurs ravages jusqu’à Beauvais, Arras et même Gand.
La vie monastique est interrompue pendant plusieurs décennies. Après le raid, les moines entament une longue errance. Les moines de l’abbaye de Fontenelle se réfugient à Boulogne, puis à Chartres (885). Ils retournent ensuite à Boulogne et déposent les corps de saint Wandrille et de saint Ansbert au Mont-Blandin à Gand, où ils s'établissent un temps en 944, marquant une période d’errance pour la communauté. La restitution partielle des reliques à Gand marque la fin de l’exil : seuls quelques moines, accompagnés du trésor spirituel de Fontenelle, retrouvent un semblant de restauration.
Réponses royales et défense locale
Face à la menace répétée, les Carolingiens tentent plusieurs parades : négociations et versements de rançons (danegeld), concession de terres à certains chefs vikings pour les pacifier, renforcement des points d’appui le long de la Seine : tours fortifiées, ponts défendus. Malgré ces efforts, les raids perdurent jusqu’à la fin du IXᵉ siècle. Ce n’est qu’avec l’émergence du duché de Normandie qu’une paix plus durable s’installe.
Les raids vikings sur Saint-Wandrille illustrent à la fois la violence des incursions nordiques et la capacité des communautés monastiques à se réinventer. Derrière chaque pierre calcinée se cache une histoire de fuite, de sauvegarde et, finalement, de renaissance.
Pour aller plus loin
- Visiter le musée de l’abbaye pour découvrir objets archéologiques et maquettes de drakkars.
- Explorer les chroniques carolingiennes traduites en français moderne.
- Plonger dans l’étude de la route des monastères sur la Seine.
- Vous aimerez peut-être aussi plonger dans les tactiques de navigation viking ou la vie quotidienne des moines en temps de paix.
Renaissance de l’abbaye
À partir du Xe siècle, l’abbaye renaît peu à peu : reconstruction en pierre plus résistante aux flammes, retour progressif des moines et restauration de la vie liturgique, renouveau intellectuel avec la réforme clunisienne.
C'est vers 960, après une première tentative infructueuse, que Richard Ier, duc de Normandie, soutient le rétablissement des moines menés par Gérard de Brogne. Robert le Magnifique émet des chartes de restitution de biens usurpés. De 960 à 966, Maynard Ier, restaurateur de l'abbaye et du monachisme normand au temps de Richard Ier, en conçoit l'emplacement, l'orientation et la disposition définitifs, et dirige l'abbaye avant de partir pour fonder la très célèbre abbaye du Mont-Saint-Michel, et d'en devenir le premier abbé.
En 1008, saint Gérard obtient de Richard II de Normandie l'abbatiat de Fontenelle. La foudre détruit en partie la basilique de Saint-Pierre, qu'il réédifie de manière plus élégante. C'est au cours de ces travaux qu'en 1027, neuf tombeaux sont découverts, deux vides, ceux de saint Wandrille et de saint Ansbert, et les restes de saint Vulfran. Son successeur saint Gradulphe envoie des moines de l'abbaye afin de peupler l'abbaye de Préaux, vers 1040. De même, l'abbaye contribue à la fondation de l'abbaye de Grestain vers 1050. En 1145, le pape Innocent II et en 1164 le pape Eugène III confirment les biens et privilèges de l'abbaye. Robert de Meulan (v. 1142-1204) renouvelle la « liberté » de ses prédécesseurs concédant à l'abbaye le libre passage des bacs ou des bateaux de l'abbaye de Saint-Wandrille remontant ou descendant la Seine sous le château de Meulan et transportant du vin ou toute autre denrée pour l'usage des moines de Saint-Wandrille ainsi que la dîme de la forêt de Brotonne.
Sous l'abbatiat de Pierre Mauviel (1244-1255), un incendie détruit une partie de l'abbaye. Le pape Innocent IV et l'archevêque de Rouen Eudes Rigaud publient alors des indulgences afin de permettre la reconstruction de l'abbaye. Pierre Mauviel commence la reconstruction dont le chœur gothique et le transept, achevé sous Geoffroy de Noytot. Guillaume Le Douillé construit la nef et le clocher, trois travées sont construites, ainsi que le cloître. À sa mort en 1342, les travaux ralentissent. Ce n'est qu'avec l'abbatiat de Jean de Rochois (1362-1389) que l'église Saint-Paul est finie. Le pape Boniface IX accorde alors le privilège de la mitre et des insignes pontificaux à l'abbaye de Saint-Wandrille.
XIVᵉ siècle : la guerre de Cent Ans fragilise de nouveau le site.
L’abbaye de Saint-Wandrille pendant la guerre de Cent Ans
La guerre de Cent Ans (1337-1453) bouleverse profondément la Normandie. L’abbaye de Saint-Wandrille, isolée dans la vallée de la Seine, subit les répercussions de ce conflit prolongé, qui mène à son abandon temporaire et à la dégradation de ses structures.
La Normandie est un des principaux théâtres d’opération de la guerre de Cent Ans. En 1417-1419, Henri V d’Angleterre s’empare rapidement de la plupart des villes normandes, dont Rouen et Caen. Les chevauchées anglaises pillent les campagnes, saccagent les récoltes et affament la population. Entre les batailles, la région est soumise à la loi des routiers : bandes de mercenaires sans solde vivant sur le pays. Cette atmosphère de violence généralisée affaiblit toutes les communautés religieuses, notamment celles situées en bord de fleuve comme Fontenelle.
L'abbaye est à nouveau abandonnée durant la guerre de Cent Ans. Sous la pression des combats et des exactions : les moines désertent l’abbaye pour chercher refuge en ville ou auprès de seigneurs locaux, l’interruption des revenus fonciers et pastoraux empêche l’entretien des bâtiments, la discipline monastique s’effrite en l’absence d’une communauté stable.
Au XVe siècle, l’abbaye est ainsi abandonnée par ses religieux, marquant une rupture de près d’un demi-siècle dans la continuité bénédictine à Fontenelle. Les moines s'établissent à « l'Hostel Saint-Wandrille » à Rouen.
Durant cette période d’abandon : les toitures en bois sont en grande partie détruites par le manque d’entretien et les pillages, les galeries du cloître se dégradent sous l’action du gel, de l’humidité et des déprédations, le mobilier liturgique (stalles, autels secondaires) est détérioré ou vendu pour survivre. Ces dommages nécessiteront, dès le XVe siècle tardif, des campagnes de réparation partielles avant les grands chantiers de la Renaissance.
Ce contexte instable prépare le terrain aux destructions ultérieures lors des guerres de Religion et de la Révolution française, phases où l’abbaye connaîtra de nouvelles épreuves avant son renouveau moderniste.
Pour aller plus loin
- Étude des registres de la chambre des comptes de Rouen sur la période 1420-1450
- Archéologie des niveaux d’incendie sous le cloître roman
- Comparaison avec d’autres abbayes normandes abandonnées (Jumièges, Lyre)
- Découvrez comment Saint-Wandrille a su se reconstruire après 1453, renouant progressivement avec la stabilité et la vie bénédictine.
De la guerre de cents ans aux guerres de religions
En 1483, André d'Espinay, archevêque de Lyon et de Bordeaux, se fait adjuger l'abbaye. Les abbés sont alors élus. En 1523, Claude de Poitiers prend possession de l'abbaye, le père abbé est alors nommé et non élu.
La période des guerres de Religion à l’abbaye de Saint-Wandrille
Durant les guerres de Religion (1562-1598), la France est déchirée par des affrontements répétés entre catholiques et protestants. La Normandie, bien que majoritairement catholique, subit plusieurs incursions de troupes huguenotes en maraude, qui visent tant les centres urbains que les grandes abbayes.
En 1562 et dans les années qui suivent, l’abbaye de Saint-Wandrille est la cible de raids menés par des soldats protestants et leurs partisans. Les guerres de Religion entraînent la destruction de plusieurs bâtiments : les églises et bâtiments conventuels subissent de nombreux incendies.
Le mobilier liturgique est pillé, souvent fondu ou dispersé pour enrichir ceux qui participent aux combats. Des ornements de la sacristie sont brûlés sur le tombeau de cuivre de l'abbé Jean de Rochois. En 1566, les reliques de saint Wandrille et saint Vulfran sont en partie détruites ainsi que des parties de l'abbaye. Ces déprédations s’inscrivent dans la série de destructions que l’abbaye connaît au cours des guerres de Religion. Face à la violence et au risque permanent : Les moines se dispersent, cherchant refuge auprès de seigneurs locaux ou dans des villes fortifiées. Les archives, trésors et manuscrits sont en grande partie perdus ou transportés à l’abri, parfois définitivement égarés.
Chaque fois, les moines relèvent les ruines, reconstruisent et redonnent vie au monastère. La vie monastique se poursuit de manière discontinue, rythmée par des retours sporadiques et de nouvelles exactions. Cette rupture profonde ébranle la continuité bénédictine à Fontenelle, déjà fragilisée par les outrages vikings et à venir lors de la Révolution française.
À la suite de la destruction des huguenots, les ruines sont importantes. Ce n’est qu’à partir du début du XVIIe siècle que la communauté entreprend un vaste chantier de réparations : Remplacement des charpentes et des toitures détruites par le feu. Reconstruction partielle de l’église abbatiale dans un style mêlant classicisme et premiers accents baroques. Réorganisation des domaines agricoles pour restaurer les revenus fonciers indispensables à l’entretien du monastère. Sous la houlette d’abbés réformateurs, l’abbaye retrouve progressivement stabilité et discipline, posant les bases de son âge d’or au XVIIe siècle.
L'abbaye est considérée alors comme une propriété de la famille de Neuville. En 1631, le clocher bâti en 1331 s'effondre, faute de réparation, et entraîne avec lui une partie des voûtes de l'abbaye. C'est donc l'abbé Ferdinand de Neufville de Villeroy, évêque de Saint-Malo puis de Chartres, qui entreprend la restauration de l'abbaye, affirmant qu'il « n'y avoit rien à profiter pour lui des mines de pierres cassées, des voûtes tombées par la chute du clocher, voûtes qu'il falloit absolument réparer ». C'est lui qui favorise l'introduction de la « réforme de saint Maur ».
En 1636, dom Guillaume Gérard et dix-huit moines de Jumièges introduisent la réforme de Saint-Maur, réforme de l'ordre bénédictin en France. Dom Phillibert Cotelle, nommé en 1635, fait rénover le chœur, en 1647 le cloître est à son tour restauré, ainsi que les « piliers et arcs-boutants » de la nef, le plan de la coupole, qui devait remplacer la tour à la croisée du transept. Entre 1678 et 1684, Dom Hunault et Marc Rivard construisent la salle capitulaire et le dortoir, qui existe encore maintenant.
En 1757, deux pavillons sont construits : le « pavillon de la Nature » et le « pavillon de la Grâce », ainsi que la grande porte nommée « porte de Jarente » (1760).
Pour aller plus loin
- Consultation des registres épiscopaux de Rouen pour retracer les déplacements des moines entre 1562 et 1600.
- Études archéologiques des zones incendiées sous le cloître roman, à la recherche de traces de foyer de combustion.
- Analyse comparée des mesures de reconstruction avec celles menées aux abbayes de Jumièges et de Lyre, également touchées par les guerres de Religion.
Du déclin au Sauvetage de l'abbaye
Comme beaucoup d’abbayes françaises, Saint-Wandrille connaît un lent déclin à partir du XVIIᵉ siècle. La Révolution de 1789 entraîne la suppression de la communauté : les moines sont dispersés et les bâtiments deviennent bien national. L’église abbatiale, déjà en mauvais état, est peu à peu ruinée.
Révolution française et destruction de l'abbaye
En 1789, l’abbaye devient bien national à la suite du décret du 2 novembre 1789 de l'Assemblée constituante qui met les biens de l’Église à la disposition de la Nation.
Le décret du 13 février 1790 interdit les vœux monastiques et supprime les ordres religieux réguliers, hors ceux chargés de l’éducation publique et les maisons de charité. À la fin de 1790, les moines de Saint-Wandrille doivent quitter l'abbaye. Un des moines, dom Louis-François Le Brun, meurt martyr sur un ponton à Rochefort. Le bienheureux Louis-François Lebrun, refusant de prêter le serment de liberté-égalité, il se livra et fut arrêté. Après quatre mois écoulés sur les « Deux associés », navire consacré au transport des esclaves au large des pontons de la ville de Rochefort, Dom Louis-François Le Brun descendit à terre et continua à pratiquer les vertus de piété, de douceur et de modestie. Il mourra en confesseur de la foi, prêtre jusqu’au bout, fidèle à l’observance des lois ecclésiastiques. Il est béatifié par le Pape Jean-Paul II le 1er octobre 1995, sur la place Saint-Pierre à Rome. Quelques reliques de ces saints sont conservées à l’abbaye.
Le 17 janvier 1792, l'abbaye, bien national, est vendue cent mille francs payés en assignats, au citoyen Cyprien Lenoir (1737-1829) ; l'église abbatiale, considérée comme carrière de pierres, est démontée. En 1826, sous la Restauration, toujours propriété de Cyprien Lenoir, l'abbaye reçoit la visite de l'archéologue Eustache-Hyacinthe Langlois. L'intérêt pour le style gothique renaît, entraînant la visite à l'abbaye Saint-Wandrille de la duchesse de Berry, mère de l'héritier du trône, puis de Victor Hugo.
De pieux aristocrates anglo-irlandais au secours de l'abbaye Les 5 et 11 septembre 1863, faisant suite à leur visite du site quatre ans plus tôt au cours de leur voyage de noces en Normandie et à Caudebec avec son épouse Maria Dunn († 1872), le marquis George Marie Stanislas Koska de Stacpoole (1829-1896) racheta l'ex-abbaye divisée en deux lots et qui avait été classée monument historique un an auparavant, afin d'en faire sa résidence estivale pour les siens et quelques moines bénédictins ; c'est ainsi que de 1863 à 1867 certains grands travaux y furent menés, dont entre autres la pose de boiseries anciennes acquises à Bruges.
Grand serviteur du Saint-Siège à partir de 1848, fait chevalier de l'ordre du Christ par Pie IX, Stacpoole devint camérier du pape en 1867 ; veuf avec deux enfants en 1872, il entra en 1875 dans les ordres, devint prélat, et en conséquence ne porta pas le titre ducal hérité de son frère en 1878. Sa première sœur, Georgina, fut chanoinesse du chapitre royal Sainte-Anne de Munich ; leur mère, l'Écossaise Elizabeth Laurence Tulloch de Tannachie (1805-1867), duchesse douairière, séjourna à Saint-Wandrille et mourut à Rome lors du 18e centenaire de la mort de saint Pierre (cf. plaque ci-jointe).
Le 9 décembre 1870, la famille venue de Paris s'y réfugier, quitta l'abbaye devant l'avancée de l'armée prussienne pour gagner Le Havre ; le lendemain, Saint-Wandrille fut occupé, mais sans dommage. Probablement en geste de reconnaissance, le 26 décembre suivant, le marquis de Stacpoole acheta une bande de terre le long des communs afin d'y faire édifier un Saint-Sépulcre qui sera béni le 30 avril 1871, puis un calvaire à la mémoire de son épouse, béni le 3 juillet 1873, suivi de la création dans l'église paroissiale d'une chapelle dédiée au Sacré-Cœur (1879), d'un oratoire et d'une sacristie (vers 1881).
Le 2 mars 1889, monseigneur de Stacpoole cédait, pour des raisons familiales, l'abbaye meublée, contre la jouissance d'un logement sur place, « de toute la propriété un mois par an » et d'une rente annuelle de 25 000 francs, à sa fille Joséphine (Mme John Reginald Talbot depuis 1887) ; s'estimant lésé dans ses intérêts, son fils George, marquis de Stacpoole, qui y avait vécu avec son épouse irlandaise Pauline Mac Evoy jusqu'à fin 1886 et où en 1884 naquit leur fille Gertrude, fit opposition à cet acte. Dès 1890, sa sœur, qui l'occupait avec son époux une partie de l'année, peut-être effrayée par sa gestion, mit la propriété en vente, sans succès - ou du fait de l'opposition paternelle.
La renaissance au XXᵉ siècle
Il faut attendre le début du XIXᵉ siècle pour voir l’abbaye renaître.
L'abbaye étant à nouveau mise en vente en mai 1893, le cardinal Léon Thomas, archevêque de Rouen, ayant le projet de faire revivre « Fontenelle la Sainte », elle fut vendue — par l'entremise de M. Acher de Montgascon, châtelain de Villequier — le 30 décembre 1893 pour 270 000 francs à une société civile et louée aux moines de Ligugé, issus de l'abbaye de Solesmes, leur abbé étant Dom Joseph Bourigaud. Partie prenante à la vente, Mgr de Stacpoole renonça à ses droits mais obtint la jouissance viagère d'une grande partie de l'aile ouest, contre versement d'un loyer à la SCI.
En 1894, des moines bénédictins s’installent à nouveau à Saint-Wandrille, redonnant vie au lieu. La communauté est relevée au rang d'abbaye et son supérieur, dom Joseph Pothier, restaurateur du chant grégorien, en devient le nouvel abbé en 1898.
La Troisième République, par la loi du 1er juillet 1901 sur les associations soumet les congrégations à un régime d'exception qui leur impose d’obtenir une autorisation par une loi. Considérant leurs demandes vouées à l'échec, de nombreuses congrégations partent en exil. Les moines de Saint-Wandrille quittent leur abbaye le 29 septembre 1901 et trouvent refuge au prieuré de Conques, près d'Herbeumont, en Belgique.
Durant cette période, l'abbaye redevient une propriété privée, celle de l'écrivain belge, prix Nobel de littérature, Maurice Maeterlinck. Le grand réfectoire sert de lieu de scène. Georgette Leblanc, compagne de l'écrivain et sœur cadette de Maurice Leblanc, y joua. C'est d'ailleurs grâce à elle, dont la famille est originaire de Normandie, que Maeterlinck jeta son dévolu sur l'abbaye.
Les moines reviennent d'exil le 26 janvier 1931. Depuis lors, l'abbaye a repris son rythme monastique, et l'office divin y a été célébré sans discontinuer par les moines. À partir de 1931, l'abbaye développa sous l'impulsion du père abbé dom Jean-Louis Pierdait un atelier liturgique très actif, animé par dom Paul Sironval et dom Gaston Coubert.
Le 17 juin 1940, le monastère est pillé par l'armée allemande, qui, cependant, ne touche ni à l'oratoire, ni à la sacristie, ni à la bibliothèque. Dans la nuit du 9 au 10 août 1944, l'aile ouest du monastère datant du xviie siècle est endommagée par les Alliés, détruisant le deuxième étage de l'aile et l'escalier Saint-Jacques, et provoquant des dégâts aux toits des autres bâtiments.
Le 21 juillet 1954, veille de la Saint-Wandrille, une partie des communs subit un incendie, là où se situaient les ateliers de l'abbaye. À partir de 1955, l'abbaye accueillit les premiers chapitres généraux de l'ordre des chevaliers de Notre-Dame. En 1969, une grange dîmière des XIIIe et XVe siècles, provenant du hameau de Canteloup à La Neuville-du-Bosc dans l'Eure, transférée dans l'enceinte du monastère et reconstruite sur les plans de Marion Tournon-Branly, devient la nouvelle église abbatiale.
L'abbé Pierre séjourna à l'abbaye durant la fin de sa vie, de 1983 à 1991, il est d'ailleurs enterré non loin de là, à Esteville. Le peintre Claude Lagoutte (1935-1990) y séjourna en 1988.
L’abbaye Saint-Wandrille aujourd’hui : un lieu vivant
Aujourd’hui, la communauté perpétue la règle de saint Benoît : « Ora et labora » – prie et travaille. Saint-Wandrille reste un lieu de prière et de culture, accueillant pèlerins et visiteurs pour partager ses offices et ses savoir-faire artisanaux (calligraphie, restauration de livres). Les moines se consacrent à la prière, mais aussi à des activités artisanales et intellectuelles. Fait unique en France, ils ont même créé une brasserie monastique qui produit une bière artisanale appréciée des visiteurs
Ouverte au public, l’abbaye attire chaque année de nombreux visiteurs en quête de patrimoine, de spiritualité ou tout simplement de sérénité.
Entre les raids vikings (IXème siècle), le saccage des Huguenots (1562) et les destructions suite à la révolution française (XVIIIème – XIXème siècle), cette terre de saints a toujours su renaître et rayonner. L’Abbaye Saint-Wandrille est bien plus qu’un monument historique : c’est un témoin vivant de l’histoire religieuse et culturelle de la Normandie. De sa fondation mérovingienne à sa renaissance contemporaine, elle incarne la résilience des communautés monastiques et la richesse du patrimoine français.
Détails architecturaux et patrimoniaux de l’abbaye Saint-Wandrille
L’abbaye Saint-Wandrille, fondée en 649 sur la rive droite de la Seine, présente un plan monastique classique autour d’un vaste cloître roman. Son architecture mêle les styles roman, gothique et classique, résultat de constructions et reconstructions s’étalant du VIIᵉ siècle jusqu’au XVIIIᵉ siècle. Elle est classée monument historique en 1862, 1914 et 1995, protégeant notamment l’église abbatiale, le cloître et les façades des bâtiments conventuels. Saint-Wandrille est ainsi à la fois un lieu d’histoire, de prière et de rencontre, où passé et présent se rejoignent.
Principaux édifices de l’abbaye Saint-Wandrille
On peut y admirer :
- Les ruines majestueuses de l’ancienne abbatiale gothique.
- Église abbatiale (XVIIIᵉ siècle)
- Cloître roman à galeries sur piliers carrés empreintes de silence.
- Chapelle Saint-Wandrille (vestiges du VIIᵉ siècle)
- Salle capitulaire d’inspiration antique (ancien bouleutérion)
- Réfectoire, chauffoir et dortoir, alignés le long du cloître
- Horloge astronomique restaurée au XIXᵉ siècle
- Les bâtiments conventuels, encore habités par la communauté bénédictine.
- Musée de la vie monastique et exposition des Gesta
- Librairie-boutique d’artisanat bénédictin
Vie monastique et activités actuelles
- Depuis son rattachement à la congrégation de Solesmes, la vie bénédictine a retrouvé sa régularité :
- Offices quotidiens (vigiles, laudes, vêpres, complies) selon l’antique horaire monastique
- Travail manuel et intellectual : calligraphie, restauration de livres, fabrication de bière et de produits au miel
- Accueil des pèlerins et des visiteurs dans la maison d’hôtes
- Animations culturelles : concerts, conférences, expositions
Bibliothèque et trésor de l’abbaye Saint-Wandrille
La bibliothèque abrite plusieurs centaines de manuscrits anciens, dont des copies médiévales des Gesta sanctorum patrum Fontanellensis. Le trésor recèle des reliques de saint Wandrille et de saint Ansbert, sauvées lors des incursions vikings et revenus définitivement à l’abbaye en 944.
Principaux manuscrits anciens conservés à l’abbaye Saint-Wandrille
La bibliothèque de l’abbaye abrite plusieurs centaines de manuscrits anciens, couvrant des domaines aussi variés que la théologie, la liturgie, la patrologie et l’histoire monastique de Fontenelle.
Manuscrits carolingiens et pré-viking
- Un fragment inédit du IXᵉ siècle, découvert comme reliure dans la bibliothèque. Ce feuillet, unique témoin de l’activité du scriptorium avant les invasions vikings, a été décrit pour la première fois en 2004.
- Plusieurs psautiers et sacramentaires carolingiens, dont certains conservent des notations musicales primitives en grégorien.
Chroniques et vitae monastiques
- Les Gesta sanctorum patrum Fontanellensis, manuscrit du Xe siècle retraçant la fondation de l’abbaye et la vie de ses premiers abbés.
- La Vita Wandregisili et les vies de saints Lantbert, Condède, Hermeland et autres figures phares de la communauté, rédigées entre le VIIIᵉ et le Xe siècle.
Livres liturgiques médiévaux
- Plusieurs antiphonaires, graduels et bréviaires du XIᵉ au XIIIᵉ siècle, manuscrits gracieux ponctués d’enluminures et de notations grégoriennes, étudiés en détail par Dom René-Jean Hesbert pour son Corpus antiphonalium officii.
- Missels enluminés des XIVᵉ et XVᵉ siècles, témoins de la vitalité artistique de la vie monastique tardive.
Cartulaires et dossiers diplomatiques
- Le cartulaire du XIIᵉ siècle, recueil indispensable des chartes de fondation et des donations, qui permet de reconstituer l’expansion foncière et les réseaux de la communauté.
- Registres de comptes et correspondances médiévales, conservés jusqu’à l’époque moderne, qui livrent un aperçu unique de l’organisation et de l’économie monastiques.
Autres manuscrits médiévaux parmi les plus célèbres
La richesse du patrimoine manuscrit ne se limite pas à l’abbaye Saint-Wandrille. Voici quelques-uns des chefs-d’œuvre médiévaux et renaissants les plus renommés :
Manuscrits enluminés à la BnF
- Les Grandes Heures d’Anne de Bretagne (vers 1503–1508) : somptueux livre d’heures commandé par la reine Anne, enluminé par Jean Bourdichon.
- Livre d’Heures noir Ceoil : remarquable pour son usage d’encre d’or et d’argent, il illustre la préciosité extrême des manuscrits enluminés tardifs.
Évangéliaires et gospels insulaires
- Livre de Kells (Trinity College, Dublin) : évangéliaire irlandais luxueusement décoré, modèle de l’art « insulaire ».
- Évangiles de Lindisfarne (British Library) : manuscrit du VIIᵉ siècle, jalon majeur de l’enluminure anglo-saxonne.
Bibles et codex bibliques
- Codex Sinaiticus (British Library) : Bible grecque du IVᵉ siècle, l’un des plus anciens témoins complets des Écritures chrétiennes.
- Codex Vaticanus (Bibliothèque du Vatican) : autre Bible grecque du IVᵉ siècle, précieux pour l’étude du texte biblique.
Livres de dévotion et bestiaires
- Très Riches Heures du duc de Berry (Musée Condé, Chantilly) : chef-d’œuvre gothique des ducs de Berry, célébré pour ses miniatures paysagères.
- Bestiaire de Cambridge (Peterborough) : manuscrit où se mêlent bestiaire médiéval et symbolisme chrétien, illustrant la faune réelle et fantastique.
Codices profanes et scientifiques
- Physiologus (divers fonds) : recueil didactique et moral des animaux, à la base de nombreux bestiaires enluminés.
- Manuscrits d’Homère et de Virgile (Marciana, Venise) : témoins de la transmission des textes antiques jusqu’au Moyen Âge.
- Codex Gigas (« Bible du Diable », Bibliothèque nationale de Suède) : exceptionnel par son format géant et sa célèbre enluminure du Diable.
Pour explorer ces trésors, plusieurs institutions proposent des fac-similés, des visites guidées et des expositions numériques :
- Bibliothèque nationale de France (BnF)
- British Library (Lindisfarne, Sinaiticus)
- Trinity College Dublin (Kells)
- Musée Condé (Très Riches Heures)
Ces manuscrits vous plongeront au cœur de plus d’un millénaire de création artistique et intellectuelle.
Le saviez-vous ? Psautier ou bréviaire ?
Dès les origines de l’abbaye Saint-Wandrille au VIIᵉ siècle, la prière des moines s’articule autour du psautier. Réciter et chanter les 150 psaumes rythme alors la vie monastique : jour et nuit, la communauté suit l’organisation héritée de saint Benoît, qui répartit les psaumes sur l’ensemble de la semaine. Dans les scriptoria, les moines copient de magnifiques psautiers enluminés, à la fois outils de prière et œuvres d’art.
À partir du XIᵉ siècle, l’évolution des pratiques liturgiques entraîne la création d’un livre plus complet : le bréviaire. Contrairement au psautier, il réunit tous les textes nécessaires à la récitation de l’Office divin (lectures, hymnes, antiennes, calendrier). Cet ouvrage s’avère particulièrement utile pour les chanoines et prêtres appelés à prier en dehors d’un monastère.
Ainsi, à Saint-Wandrille comme ailleurs, le passage du psautier au bréviaire reflète une évolution plus large de l’Église :
- Le psautier, témoin de la prière monastique du Haut Moyen Âge. (Le psautier contenait uniquement le Livre des Psaumes, cœur de la prière monastique depuis le VIIᵉ siècle).
- Le bréviaire, symbole d’une liturgie plus accessible et uniformisée à partir du Moyen Âge central. (Le bréviaire, apparu plus tard au XIᵉ siècle, regroupait tout ce qui était nécessaire pour réciter l’Office divin : psaumes, lectures, hymnes, antiennes et calendrier liturgique.)
Encore aujourd’hui, la liturgie des Heures utilisée par les moines de Saint-Wandrille s’inscrit dans cet héritage, entre fidélité à la tradition des psaumes et continuité de la prière quotidienne.
En résumé : le psautier suffisait aux moines des premiers siècles, tandis que le bréviaire a permis une liturgie plus complète et plus accessible aux prêtres et chanoines. À l’abbaye Saint-Wandrille, comme dans la plupart des monastères médiévaux, la vie des moines était rythmée par la récitation des psaumes.
Pour aller plus loin :
- Site officiel de l’abbaye Saint-Wandrille : https://st-wandrille.com/histoire/
- Lecture : Les Gesta sanctorum patrum Fontanellensis (éd. MGH)
- La bibliothèque propose des fac-similés de ses plus précieux manuscrits sur rendez-vous, ainsi que des conférences et des ateliers de codicologie.
- Des programmes de numérisation et de restauration sont en cours sur plusieurs volumes carolingiens et médiévaux.
- Bientôt paraîtront de nouvelles éditions critiques des Vitae et du Gesta, enrichies d’analyses paleographiques et iconographiques.
- Plongez au cœur de treize siècles d’histoire manuscrite et découvrez l’âme de Saint-Wandrille à travers ses plus anciens trésors écrits.
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Soyez vigilants et attentifs à tous ces petits gestes pour que nos petits et grands paradis le reste encore de nombreuses années et que les personnes qui passeront derrière nous en profitent tout autant.
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