Histoire de Conches-en-Ouche (27)

Au Xe siècle, une petite fille de Malahulce, oncle de Rolf le Marcheur, fréquemment latinisé en Rollon, seigneur viking, épouse un seigneur de la région, Hugue de Cavalcamp. Il possède, entre autres, la terre de Tosny, dont il prendra le nom. Cette famille de Tosny, originaire de l’Ile de France, est venue en Normandie au Xe siècle, s’implantant principalement en usurpant les biens de l’église. Plusieurs châteaux furent ainsi construits : Tosny, Acquigny, Portes et Conches.

Au Xe-XIe siècle, Hugue de Cavalcamp, seigneur de Tosny, devient donc propriétaire de Castillon. Le point d’implantation primitif de cette famille est situé, dès le premier tiers du XIe siècle, sur un surplomb naturel au-dessus des étangs de la source du Rouloir, au lieu-dit « Vieux-Conches ». Là, subsistent les vestiges d’un château féodal. Celui-ci est prétendument abandonné par Roger Ier de Tosny ou Roger d'Espagne, (mort en 1040), second membre de la famille de Tosny, lors de la fondation de l’abbaye bénédictine, placée sous le vocable de Saint-Pierre et Saint-Paul. de Castillon, vers 1035. Roger Ier de Tosny participera à la Reconquista espagnole, d'où son autre nom Roger d'Espagne.

En ces temps de pèlerinages, les seigneurs de Tosny participèrent à l'un des plus grands : celui de Saint-Jacques-de-Compostelle, en Espagne. C’est sur le chemin d'un de ces voyages que Roger Ier de Tosny s’arrêta à Conques-en-Rouergue, ville située à la croisée de deux itinéraires vers Saint-Jacques de Compostelle où l'on célèbre le culte de sainte Foy,, martyre d’Agen. Roger Ier de Tosny y aurait obtenu la guérison de sa femme, en aurait rapporté des reliques de la sainte et, en action de grâce, aurait fait construire une église Sainte-Foy, où il place les reliques. Le village de Châtillon prit alors le nom de "Conches". Les seigneurs édifient une nouvelle forteresse de défense, un donjon et entourent la ville de murailles. Les habitants s’installent autour du château, la bourgade prend peu à peu le nom de Conches. 

Roger Ier de Tosny est tué en 1045 par le comte de Beaumont le Roger avec deux de ses fils. La dynastie des Tosny se perpétue avec Raoul II de Tosny ou Raoul II de Conches (vers 1040-1102). Raoul II de Tosny participa à la conquête normande de l’Angleterre. Vers 1040, quand son père Roger 1er et ses 2 frères meurent au combat, Raoul est probablement encore mineur, en effet sa mère signe les actes avec lui jusqu’en 1050. 

En 1054, 2 armées franco angevine envahissent la Normandie. L’une d’entre elles est battue à la bataille de Mortemer. Guillaume le Conquérant, appelé également Guillaume le Bâtard ou Guillaume de Normandie, heureux de cette nouvelle, charge son porte-étendard Raoul II de Tosny d’annoncer l’événement à l’autre armée ennemie. Au sommet d’une butte, le héraut ducal proclame la défaite de Mortemer à l’armée franco angevine. À cette annonce, les 2 chefs de l’expédition, Henri 1er de France et Geoffroy II d’Anjou rebroussent chemin. Grâce à sa nouvelle fortune, Raoul de Tosny effectue plusieurs donations à l’abbaye familiale de Conches, en Normandie mais en concédant des biens anglais et non plus normands.

En 1078, Raoul II de Tosny soutient Robert Courteheuse dans sa révolte contre son père Guillaume le Conquérant. Ils fuient ensemble la Normandie. Les terres de Raoul, Conches et Tosny notamment, sont saisies. La réconciliation entre le duc-roi et son fils permet sûrement à Raoul de retrouver ses domaines. En 1087, meurt Guillaume le Conquérant. Comme d’autres barons, Raoul II de Tosny en profite pour élever plusieurs châteaux et donner libre cours à ses penchants guerriers.

Tantôt partisan des Anglais, tantôt du Roi de France, les remuants seigneurs de Tosny remplirent tout le XIIe siècle de leurs luttes sanglantes contre leurs fiers voisins de Breteuil, de Beaumont et d'Evreux. En 1090, sous la pression de sa femme, Isabelle de Montfort , le baron Raoul II de Tosny entre en guerre avec son voisin et demi-frère Guillaume , comte d’Évreux. À plusieurs reprises, pendant 3 ans, le territoire de Conches est ravagé. La Guerre des Belles Dames en est la plus fameuse illustration.  La cité de Conches fut assiégée par Guillaume, comte d'Évreux, en 1092. Richard Ier de Montfort, seigneur du château de Beynes, fils de Simon Ier, seigneur de Montfort, et d'Agnès d'Évreux, est tué par une flèche en 1092 en combattant, auprès de l’armée du roi de France, au château de Conches. Finalement, la paix est conclue après la capture par Raoul du neveu du comte d’Évreux, Guillaume de Breteuil. Mieux qu’une paix, c’est une alliance puisqu’en 1100, les deux anciens ennemis partent ensemble piller le territoire de Beaumont-le-Roger pour nuire à leur voisin Robert 1er de Meulan .

Conches est passé par toutes les vicissitudes des guerres féodales. Mais la royauté française s'affermit et Philippe-Auguste, après la prise du Château Gaillard des Andelys, occupe Conches en 1199 ; les Tosny s'exilent dans leurs domaines d'Outre-Manche. Philippe-Auguste, roi de France dispose le domaine de Conches en faveur de son cousin Robert de Courtenay (1168-1239), seigneur de Champignelles, de Charny, de Chantecoq, Château-Renard en partie, de Conches, de Nonancourt, de Mehun et de Cellesn, chevalier et seigneur éminent du XIIIe siècle, bouteiller et cousin du roi de France Louis VIII.

La seigneurerie de Conches échoua pour peu de temps aux Courtenay, cousins du roi. Robert de Courtenay meurt en Terre Sainte, son fils suit Louis IX (Saint Louis) en Egypte, lors de la septième croisade et périt à Mansourah. Sa fille Amicie ayant épousé Robert II d'Artois, la terre de Conches passe à cette puissante famille d’Artois. Robert, en rébellion contre son Roi, s'allie aux anglais, brûle entièrement l'Abbaye Saint-Pierre et Saint-Paul de Châtillon-lès-Conches, mais est contraint de fuir en Angleterre.

En 1298 Robert III d’Artois était seigneur de Conches, de Domfront, et de Mehun-sur-Yèvre ; en 1310, il reçut en outre en apanage le comté de Beaumont-le-Roger pour le dédommager de la perte du comté d’Artois auquel il prétendait face à sa tante Mahaut d'Artois. Il est des responsables de la guerre de Cent-Ans et meurt en 1342 à Londres.

Philippe de Valois, roi de France de 1328 à 1350 sous le nom de Philippe VI, dit "le Fortuné" ou le "Catholique"», (premier roi de la dynastie capétienne des Valois), incorpore le Comté de Conches à La Normandie dont le Duc, devenu Jean II, dit "Jean le Bon",( roi de France de 1350 à 1364), offre en 1355 la ville de Conches à son gendre Charles II de Navarre, dit "Charles le Mauvais" ( roi de Navarre de 1349 à 1387 et comte d'Évreux de 1343 à 1378). Charles le Mauvais se révolte et Dugueslin, vainqueur de ses troupes à Cocherel (1364) prend la ville fortifiée de Conches après un long siège.

En 1356, les Anglais incendièrent le château de Conches et l'abbaye, première occupation anglaise en 1363. En 1372, du Guesclin, auquel le roi Charles V avait donné le comté de Conches, après un sanglant combat, en délogea le captal de Buch. Le titre de captal de Buch désigne les seigneurs qui régnaient du Moyen Âge jusqu'à la Révolution française sur le captalat de Buch. Le captalat se résume alors à une partie (au sud) du pays de Buch couvrant un territoire comprenant les paroisses de La Teste, de Gujan et de Cazaux, correspondant aujourd'hui à celui des communes d'Arcachon, de La Teste-de-Buch et de Gujan-Mestras.

Plus tard, Conches retomba de nouveau au pouvoir des Anglais, les luttes reprennent à l'invasion anglaise vers 1417. Les Anglais accroissent la puissance défensive du château, sous les ordres du fameux Captal de Buch. Le roi Charles VII reprend le château en 1440. Dès 1442, Talbot, célèbre guerrier anglais, reprend la forteresse ; mais après la trêve, le valeureux Robert de Floques, baîlli d'Evreux s'en empare grâce à une puissante artillerie en 1449, tout à fait à la fin de la guerre de Cent ans. Robert de Floques est nommé Capitaine de Conches et la garnison ennemie se retira avec armes et bagages. Les Anglais définitivement vaincus, partirent " à pied, un bâton entre les mains".

Dès 1552, un collège qui sera florissant jusqu'à la Révolution, avait été fondé par Jean Le Vavasseur, abbé du monastère de Conches. Cependant, l'avènement d'Henri IV amène le mouvement de la Ligue. Pendant les Guerres de Religions, Conches s'étant déclaré en faveur d'Henri IV, les ligueurs d'Évreux assiégèrent cette ville. En 1591 prise du Château par les Ligueurs, son démantèlement est ensuite entrepris pour éviter une réutilisation éventuelle. De là ils se dirigèrent sur Breteuil.

Indifférente aux troubles de la Fronde, après une courte possession par René de Longueil, marquis de Maisons, Conches, dépendant du comté d'Evreux, devint l'apanage de La Tour d'Auvergne, ducs de Bouillon, jusqu'à la Révolution. Tout le système défensif fut laissé à l'abandon. La ville s'agrandit à nouveau ; son commerce prospéra, renommés furent ses articles de ferronnerie comme les produits des Forges du Vieux Conches. Les ducs de Bouillon obtinrent la concession du flottage des bois de la forêt par le Rouloir et l'Iton jusqu'à Rouen ; on construisit beaucoup vers le milieu du XVIIIe siècle. En 1651, le duc de Bouillon obtint Conches, Évreux et plusieurs autres seigneuries en échange de Sedan.

Puis, vint la période révolutionnaire, pendant la révolution de 1789, des troubles graves éclatèrent à Conches. Conches voit la destruction complète de son abbaye, de trois de ses églises et de leurs richesses artistiques. Deux clubs, les Montagnards et les Sans-Culottes divisent la population. L'Eglise Sainte Foy devient le Temple de la Raison. Les édiles, suspects du modérantisme et écroués à la Conciergerie, sont libérés à la chute de Robespierre et grâce à l'intervention d'une jeune conchoise, Eulalie Savarre, auprès d'un membre du Comité de Salut Public, Robert Lindet.

Il faut ensuite sauver de l'oubli la mémoire de l'abbé Baudard, curé de Conches, qui, malgré l'offre de plusieurs millions, résista à la demande formulée par Louis-Philippe de transférer à la Chapelle Royale de Dreux les admirables vitraux de l'église. En 1844, la construction de la voie ferrée Paris-Cherbourg transforme la vie économique et sociale de la cité. Un nouvel hôpital-hospice est inauguré en 1869 sur l'emplacement de l'abbaye. Cet hôpital remplaçait l'Hôtel-Dieu fondé par Nicolas Rougueulle en 1479 et plus loin encore le premier hospice établi sous Saint Louis. Il existait de même une léproserie au hameau de Valeuil.

Survient la guerre de 1870. La Ville de Conches est occupée par les Prussiens du Major Waldersee. Le meurtre d'un ulhan sur la route de Lyre vaut à Conches une heure de pillage. A nouveau, avec le progrès du machinisme, les Forges du Vieux Conches connaissent une ère de prospérité. Elles produisent d'artistiques plaques de cheminées et la flèche centrale de la Cathédrale de Rouen sort de leurs ateliers. En 1914 voit le départ des conchois pour la grande guerre. Des territoriaux français logent en ville. Les troupes anglaises, puis le corps forestier canadien créent une pittoresque activité. Puis, c'est le retour de nos prisonniers d'Allemagne...et la vie reprend son cours.

En 1939, aux lugubres accents de la sirène, les conchois répondent à nouveau à l'appel aux armes. 1940. C'est le douloureux exode des Belges et des populations du Nord. Les chasseurs ardennais font étape, puis les cuirassiers français, sortant de l'enfer de Dunkerque, viennent se reformer et repartir vers Montlhéry et La Loire. Deux cents habitants seulement restent à Conches, occupée sans combats, mais non sans pillages. Ce sont alors les mesures restrictives de l'occupant : couvre-feu, gardes sur les voies ferrées, construction d'un grand terrain d'aviation aux portes de la ville et les menaces aériennes qui en découlent.

En Septembre 1943, les premier bombardement ne fit qu'une victime. En 1944, les abris dans les vieux souterrains s'organisent. 12 juin. Douze victimes à la laiterie Maggi et destruction des voies ferrées. 23 août au matin après une nuit agitée (200 obus tombent sur la ville, vide d'ennemis) Conches est délivrée par les Américains arrivant du sud-est. La résistance avait contribué dans notre région à faciliter la victoire alliée : harcèlement des troupes allemandes, mitraillage des véhicules, aide aux aviateurs amis et aux travailleurs réfractaires. Un enfant de Conches, Roger Loutrel, F.F.I, fut torturé par les Allemands avant d'expirer sous leurs coups. 

Les armes de la ville seraient celles des seigneurs de Conches : « une bande d’azur chargée de trois coquilles d’argent sur fond or », les coquilles témoignant de leur passage à Compostelle. Aujourd'hui Conches est une cité où il fait bon s'y balader...