Dentelle de Valenciennes (59)

Valenciennes, capitale du Hainaut, fait partie des provinces espagnoles appelées Pays-Bas, jusqu’en 1677, date de son annexion à la France par Louis XIV.

Depuis le début du XVIème siècle, de nombreux couvents se sont établis dans le Hainaut et Charles Quint a ordonné qu’on y développât la confection des dentelles pour en retirer les ressources nécessaires à la subsistance des nonnes, des orphelines et des filles déchues qu’elles recueillent. La dentelle est enseignée par les religieuses de Sainte-Agnès, les Ursulines et autres congrégations selon la règle monastique très traditionnaliste. Les dessins et la technique de la dentelle aux fuseaux n’évoluent quasiment pas.

L’essor de la dentelle à Valenciennes, dès 1677, est dû à la proximité de la matière première : le lin est cultivé dans la Vallée de la Scarpe depuis le Moyen-âge, les industries traditionnelles du textile ont formé des générations de fileuses expertes, capables de produire les fils les plus fins, les plus réguliers et les plus solides. Rappelons aussi que les matières premières importées supportent de lourdes taxes quand elles sont achetées à d’autres villes ou provinces.

Vers 1760, elles étaient 4 000 dentellières à œuvrer dans la ville de Valenciennes, ce n’était pas un travail parmi d’autres, mais incontestablement une identité de la ville. Comme repère historique, le charbon fut découvert pour la première fois  en France, sur la commune de Fresnes-sur-Escaut, en 1720. Très rare, la dentelle de Valenciennes est l'une des plus précieuses au monde.

L'art de la "Valenciennes" connut un essor fulgurant grâce à une Valenciennoise, Françoise Badar, qui fonda au XVIIIe siècle une congrégation féminine afin de transmettre son savoir-faire. Françoise Badar apprend la dentelle à Anvers et revient à Valenciennes, sa ville natale avec la technique et les dessins propres au style flamand. Installée depuis dix-huit ans, elle est présente lorsque la ville est attaquée par les soldats français mais finalement Condé, allié aux Espagnols, repousse les armées de Turenne.

L’activité dentelière de Françoise, qui a continué durant la guerre, s’accroît la paix revenue, et elle va développer des échanges commerciaux avec Bruxelles, Anvers, Ostende, Reims. En 1661, Françoise fonde la communauté des religieuses de la Sainte Famille dont elle devient supérieure et achète une grande maison pour les héberger. On y accueille deux ou trois cents ouvrières ou filles déshéritées. Le profit que l’on tire de leur travail contribue à payer leur pension. Françoise meurt dans la maison qu’elle a fondée le 31 octobre 1677. Son apprentissage va se propager dans certaines villes de Flandre : Ypres, Avesnes, Binche.

À Valenciennes, un petit groupe d’artisanes passionnées fabriquent encore aujourd’hui de la dentelle aux fuseaux. Aujourd’hui, cet art se perpétue à travers un club au sein de la Maison des Associations de Valenciennes. C’est peu et énorme à la fois. La dentelle de Valenciennes est une dentelle renommée pour sa finesse, ses motifs floraux délicats, et son réseau uniforme. Fabriquée traditionnellement au fuseau, elle est appréciée pour sa légèreté et son élégance, faisant d'elle un choix privilégié pour la haute couture et l'ameublement de luxe. Les techniques de fabrication de la dentelle de Valenciennes sont complexes et demandent un savoir-faire minutieux. La Valenciennes se caractérise par ses mailles simples et régulières mais très solides parce que tressées, et par le toilé uni qui est le tissu même des fleurs, aucun fil de contourage (brodeur) ne souligne le dessin.

Ce type de dentelle est caractérisé par l'absence de cordonnet, ce qui lui confère une fluidité et une légèreté uniques. Réalisée à l'origine à la main à partir de lin, la dentelle de Valenciennes se distingue par son réseau hexagonal serré, où chaque fil est entrelacé avec une précision extrême, créant un ensemble homogène et délicat. Chaque dentelle est tissée en un seul tenant, sans ajout de fils supplémentaires pour les motifs, ce qui garantit une continuité et une régularité du tissu. Cette méthode confère à la dentelle une résistance surprenante malgré sa délicatesse apparente. 

La dentelle de Valenciennes est souvent utilisée pour des bordures et des bandes décoratives, ce qui en fait un choix privilégié pour orner les vêtements, les accessoires, et même les textiles de maison. Les motifs de la dentelle de Valenciennes sont souvent inspirés par la nature, avec des représentations détaillées de fleurs, de feuilles, et parfois de figures géométriques. Ces motifs, intégrés directement dans le tissu, offrent une esthétique raffinée et intemporelle.

Contrairement à la dentelle de Chantilly, qui est souvent réalisée en soie noire ou blanche et se distingue par ses motifs floraux aérés, la dentelle de Valenciennes est plus uniforme et serrée. Elle se différencie également de la dentelle d'Alençon, qui est plus épaisse et dotée d'un cordonnet visible qui met en relief les motifs. La dentelle de Calais, quant à elle, est connue pour sa production industrielle, tandis que la dentelle de Valenciennes a préservé son caractère artisanal, même si elle a également été adaptée à des méthodes de production plus modernes. 

Cette comparaison souligne l'unicité de la dentelle de Valenciennes, qui, grâce à sa texture homogène et à ses motifs délicats, a su se démarquer et se maintenir comme une référence incontournable dans l'art de la dentelle, un joyau de l'artisanat français. Peut-être avez-vous déjà admiré son raffinement et sa subtilité, mais avez-vous exploré ses origines fascinantes et son évolution à travers les siècles ? Ou encore, l'influence qu'elle a exercée sur la mode, l'artisanat, et la culture, tant en France qu'à l'étranger ?