L'histoire de Lyon (Rhône-69)
Nichée au confluent du Rhône et de la Saône, Lyon est une ville au patrimoine exceptionnel. Classée au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1998, elle a traversé les siècles en jouant un rôle majeur dans l’histoire de la France et de l’Europe. Lyon n’est pas seulement une ville; c’est une stratification de plus de 2 000 ans d’ambitions, d’artisanats, de luttes et d’inventions. En la traversant du nord au sud, on lit encore dans ses rues l’empreinte des Romains, l’audace des imprimeurs de la Renaissance, la cadence des métiers à tisser, la ferveur des canuts, la clandestinité de la Résistance, puis l’élan industriel et culturel d’une métropole contemporaine.
Lyon ne se donne jamais d’un seul bloc. Elle se découvre par strates, comme on feuillette un livre aux pages épaisses. À chaque pas, un indice : une pierre antique enchâssée dans un mur, un heurtoir en forme de cocarde, un menu de bouchon griffonné à la craie, une plaque discrète à la mémoire d’un réseau de Résistance. Ce sont ces détails, minuscules et persistants, qui composent la grandeur de la ville; Une grandeur patiente, tissée d’histoires humaines.
Voici un voyage condensé à travers les âges qui ont façonné la capitale des Gaules.
Remontons ensemble le fil du temps pour découvrir comment Lyon est devenue l’une des plus belles cités françaises.
L’Histoire de Lyon : des origines romaines à la capitale des Gaules !
Du néolithique jusqu'au second âge du fer, les différentes découvertes de nombreuses traces d'habitats et d'objets en tout genre attestent l'existence d'un relais de commerce de vin entre le littoral méditerranéen et le nord (VIe siècle av. J.C.). En l'absence d'artéfacts plus élaborés, on ne peut à cette époque parler de village ou de cité.
Outre cette occupation du site, plusieurs tribus de Celtes gaulois, et notamment les Ségusiaves, avaient édifié des villages autour du quartier de Vaise, sur la Saône, au nord de Fourvière. On ignore quelle était leur capitale antérieure à la fondation de Feurs, peut-être Lugdunum (Lyon). En 2014, ont été mis au jour plus de 30 mètres de fortifications pré-romaines sur la colline de Fourvière, correspondant au murus gallicus d'un oppidum celte, ce qui tend à confirmer l'hypothèse d'une fortification celte à Lugdunum (« forteresse du dieu Lug ») établie par les Ségusiaves avant la fondation « officielle » de la cité romaine, ritualisée en 43 av. J.-C. par le gouverneur Lucius Munatius Plancus.
Cette découverte, s'ajoutant à celle de céramiques ségusiavo-éduennes identifiées dans les environs immédiats de Lyon et intra-muros, ainsi qu'à diverses sources mentionnant un sanctuaire majeur à Fourvière pour la période pré-romaine, éclaire sous un jour nouveau l'importance de ce peuple dans le monde celte. Sur la colline de Fourvière, on a retrouvé des milliers d'amphores. Il est possible qu'il s'agisse d'un lieu où les chefs gaulois se rassemblaient pour festoyer en l'honneur du dieu Lug.
Aux origines: Lugdunum, capitale des Gaules
Lugdunum : la naissance d’une capitale romaine
Nous voilà donc en 43 av. J.-C., après l’assassinat de César, le Sénat mandate Lucius Munatius Plancus pour installer sur le site de la colline de Fourvière une colonie romaine sous le nom de Colonia Copia Felix Munatia Lugdunum. Les premiers colons sont des citoyens romains, souvent des vétérans de la légion romaine. Sa position géographique idéale au carrefour des routes fluviales : au confluent du Rhône et de la Saône, et terrestres lui vaut de devenir rapidement un centre politique, économique et culturel majeur des Gaules.
Les débuts de la colonie sont mal connus. Elle n'est pas pourvue de muraille, tout au plus une levée de terre l'entoure avec fossés et palissades à l'image des camps romains. Mais la ville de terre et de bois laisse la place à des bâtiments aux soubassements en maçonnerie de pierres. L'essor de la cité est rapide, le nom de la cité évoluera en Colonia Copia Lugdunum. Si la colonie s’implante d’abord sur le plateau et les terrasses de Fourvière (forum, théâtre, odéon), elle gagne très vite les quartiers fluviaux, la Presqu’île et la rive droite de la Saône, où s’installent ports, entrepôts et artisanats.
L’essor permet la construction d’un forum, d’un théâtre et d’un odéon, de temples dont celui de Cybèle mentionné dans la tradition antiquaire, d’une caserne, de vastes thermes et d’un amphithéâtre lié au sanctuaire fédéral. Quatre aqueducs alimentent la cité, dont celui du Gier avec ses ouvrages sous pression, témoins d’une ingénierie hydraulique avancée. Le théâtre et l’odéon accueillent représentations et déclamations; les thermes rythment la sociabilité quotidienne dans une ville vitrine de la romanité en Gaule.
Sous Auguste, la Gaule est réorganisée et Lugdunum devient capitale de la province Lyonnaise ; elle concentre des services administratifs interprovinciaux et un atelier monétaire frappant pour l’Empire, signe de son rang dans le système impérial. L’atelier monétaire frappe à grande échelle aux Ier–IIe siècles, propageant l’image impériale et facilitant les échanges. Il contribue à la stature financière de Lugdunum dans le monde romain.
Lugdunum est placée au centre du réseau routier des Gaules conçu par Agrippa, ce qui fait de la ville le “km zéro” des grandes voies vers l’Aquitaine, la Belgique, la Germanie et la Méditerranée. Ce maillage amplifie son rôle d’entrepôt et de redistribution à l’échelle occidentale. Citoyens, pérégrins, affranchis et esclaves cohabitent; la ville accueille des notables romanisés et des communautés issues des campagnes alentour, intégrées aux circuits administratifs et commerciaux des Gaules. Par fleuves et routes, vins, huiles, céramiques et métaux convergent; les ports de Saône et de Presqu’île redistribuent vers l’intérieur, renforçant les métiers urbains (potiers, bronziers, verriers, tisserands).
En 12 av. J.-C., le sanctuaire des Trois Gaules est établi sur la colline de la Croix Rousse. Condate (Lyon) : nom gaulois signifiant “confluent”, utilisé pour le quartier bas au pied de la Croix-Rousse, à la confluence Saône–Rhône. C’est près de ce secteur que s’est implanté le sanctuaire fédéral. Le sanctuaire fédéral, cœur politique et symbolique des Gaules romaines, réunissait chaque année les délégués des cités gauloises (le Conseil des Gaules) pour célébrer Rome et l’empereur, lever des contributions et débattre des affaires communes. Érigé sous l’impulsion de Drusus, il donna à Lugdunum son rôle de “capitale” symbolique et politique des Trois-Gaules. Ces représentants se réunissant régulièrement dans l’amphithéâtre, il fut certainement le premier parlement de France.
L’empereur Claude naît en 10 av. J.-C à Lugdunum ; sa célèbre “Table claudienne” (48 apr. J.-C.) plaide pour l’accès des notables gaulois au Sénat, emblème d’un romanisme inclusif.
Après l’incendie de Rome en 64, Lugdunum envoie une aide importante; un an plus tard, un incendie majeur ravage Lugdunum et Rome lui renvoie du secours, signe de liens étroits.
Lugdunum à son apogée romaine
Sous l’Empire, Lugdunum n’est pas une ville parmi d’autres : c’est la tête de pont de Rome en Gaule, un laboratoire d’urbanisme, de culte impérial et d’ingénierie hydraulique.
Capitale de la province de Gaule lyonnaise et résidence du légat impérial, la cité de Lugdunum atteint probablement 50 000 à 80 000 habitants à son apogée, avec un territoire (civitas) dense en villas et bourgs. Un cardo et un decumanus structurent la ville haute de Fourvière. Des terrasses soutenues par des murs et cryptoportiques accueillent bâtiments publics et riches demeures.
Ville haute et ville basse de Lugdunum : Fourvière: centre administratif, religieux et résidentiel élitaire. Bas de Saône/Presqu’île: espaces commerciaux, entrepôts, artisanat, port fluvial. Le pied des pentes et la Presqu’île (Suburbia) s’étoffent rapidement ; des nécropoles s’alignent le long des voies sortant de la ville.
Lugdunum aux IIe et IIIe siècles
Ce sont deux siècles charnières pour la cité : apogée urbaine et culturelle sous les Antonins et les Sévères, puis chocs et recompositions au IIIe siècle. Lyon passe d’une capitale rayonnante des Gaules à une ville qui se resserre et se réinvente.
Le IIe siècle est l’âge mûr de Lugdunum : population élevée, chantiers ambitieux, vie culturelle dense. Le théâtre est agrandi, l’odéon construit ; les thermes se multiplient; les aqueducs tournent à plein régime. Fourvière concentre forums, édifices publics et demeures élitaires en terrasses. Les pentes et la Presqu’île accueillent entrepôts, ateliers et marchés ; les quais sont des hubs pour amphores, marbres, métaux et céramiques. Le fleuve et le réseau des voies “rayonnant” depuis Lyon structurent un commerce à longue distance (vins, huiles, garum, étoffes) et stimulent les artisanats (poterie sigillée, verrerie, bronzes, cuir, textile).
Le théâtre et l’odéon rythment la vie civique et culturelle ; les thermes sont des lieux de détente, d’affaires et de sociabilité quotidienne. Domus et insulae bénéficient d’un confort hydraulique (fontaines, égouts) et de décors (mosaïques, enduits peints). Les élites résident surtout sur Fourvière ; les quartiers bas mêlent boutiques et logements.
Aux cultes “classiques” comme Jupiter, Mars, Rome-et-Auguste, s’ajoutent des cultes orientaux : Cybèle, Mithra. Le christianisme est attesté dans la ville, avec une communauté organisée dès la fin du IIe siècle.
Bataille de Lugdunum (197 apr. J.-C.)
L’affrontement décisif entre Septime Sévère et Clodius Albinus se déroule aux portes de la ville de Lugdunum et scelle le destin de l’Empire au tournant du IIIe siècle. La bataille de Lugdunum est l’une des plus vastes confrontations des guerres civiles romaines. Les sources évoquent des destructions et incendies ; la cité se relève mais marque un tournant.
L’assassinat de Commode (192) ouvre une lutte de succession. Proclamé empereur par les légions danubiennes, Septime Sévère neutralise Didius Julianus (193), puis Pescennius Niger (194). Sévère avait d’abord gagné le soutien de Clodius Albinus, gouverneur de Bretagne, en lui promettant le titre de César. En 195, il nomme finalement son fils Caracalla, ce qui rompt l’alliance et pousse Albinus à la guerre. Les récits antiques (Dion Cassius) gonflent les effectifs à près de 150 000 par camp. L’estimation moderne retient plutôt environ 50 000 à 75 000 hommes de chaque côté, mêlant légions, auxiliaires et cavalerie.
L’affrontement se déroule au nord de Lugdunum (Lyon), sur la périphérie de la ville antique. Plusieurs hypothèses situent le champ de bataille dans la plaine aux abords des Monts d’Or ou vers Tassin-la-Demi-Lune. Les deux lignes s’affrontent frontalement, avec manœuvres et contre-attaques. L’aile gauche d’Albinus finit par plier, tandis que son aile droite lance une offensive qui piège partiellement les troupes de Sévère, provoquant de lourdes pertes. Sévère parvient à rallier ses hommes. L’engagement de la cavalerie sévérienne sur le flanc d’Albinus désorganise son armée, qui se déroute. L’issue a longtemps semblé incertaine aux narrateurs antiques.
Septime Sévère remporte une victoire décisive ; Albinus est vaincu et éliminé, mettant fin à sa prétention au trône. Les pertes sont très élevées; les sources évoquent l’anéantissement des forces d’Albinus (tués, capturés, fuyards). Lugdunum subit des dommages et un choc durable, même si la ville se relève sous les Sévères. La victoire consolide la dynastie sévérienne et réoriente la politique impériale vers l’appui des armées danubiennes et rhénanes. Le centre de gravité militaire de l’Empire s’affirme sur les frontières du nord.
L’essentiel du récit vient de Dion Cassius (transmis via l’abréviateur Xiphilin), complété par la tradition antiquaire et des recherches récentes sur le terrain lyonnais.
Le IIIe siècle : crises et reconfigurations
Les réseaux et chantiers tiennent encore au début du IIIe siècle ; des réparations et réaménagements ponctuent les monuments majeurs. Crises politiques, pressions militaires, troubles monétaires et épidémies affectent l’Occident. Lyon n’est pas épargnée : commerce plus irrégulier, chantiers ralentis, entretien prioritaire plutôt que grands programmes.
Citoyens, pérégrins, affranchis et esclaves ; flux d’artisans, de marchands et de fonctionnaires traversent la ville. L’habitat tend à se resserrer vers la rive de Saône; certaines terrasses de Fourvière s’éteignent ou changent d’usage. Des secteurs artisanaux s’adaptent (réemplois, ateliers de réparation). Le christianisme, déjà présent, gagne en consistance; la mémoire des martyrs de 177 structure désormais la topographie sacrée et l’identité urbaine.
Monuments romains encore visibles à Lyon
Monuments majeurs
- Théâtre antique de Fourvière (Lyon 5e) : Le grand décor de la cité romaine, adossé à la colline, toujours impressionnant par sa cavea et son intégration au site de Fourvière. Il forme avec l’odéon et le musée l’ensemble antique le plus emblématique de Lyon.
Construit au début de l’Empire, adossé à la colline de Fourvière, c’était le grand théâtre public de Lugdunum, cœur des spectacles et de la vie civique. Il forme un ensemble cohérent avec l’odéon voisin et le musée, le site antique le plus emblématique de Lyon. À observer : La cavea en gradins intégrée à la pente, l’orchestre, les vomitoires (accès), les maçonneries de la scène et l’articulation avec les terrasses. Conseil de visite : Monter par les jardins de Fourvière pour saisir l’implantation du monument dans le relief; enchaîne avec le musée juste au-dessus pour replacer le théâtre dans la trame urbaine antique.
- Odéon de Fourvière (Lyon 5e) : Juste à côté du théâtre, plus intime, dédié à la musique, aux déclamations et à la vie culturelle des élites.
Plus intime que le théâtre, il accueillait musique, déclamations et réunions d’élites ; il complète l’ensemble monumental de Fourvière. À observer : Le plan semi-circulaire, les gradins resserrés et l’acoustique pensée pour la parole et le chant. Conseil de visite : Comparer la taille et l’usage avec le grand théâtre juste à côté pour comprendre la hiérarchie des spectacles.
- Amphithéâtre des Trois Gaules (Lyon 1er) : Sur les pentes de la Croix Rousse, vestige du sanctuaire fédéral. Mémoire du sanctuaire fédéral et des rassemblements annuels des cités.
Édifié en 19 apr. J. C., c’est le plus ancien amphithéâtre connu de Gaule; partie intégrante du sanctuaire fédéral dédié au culte de Rome et d’Auguste, au pied des pentes de la Croix Rousse. Architecture lisible : Arène elliptique, caniveau périphérique, cavea avec podium et gradins ; on distingue encore la galerie d’accès avec un couloir central flanqué de deux couloirs latéraux. Au sud ouest se trouvait la tribune d’honneur ; en dessous, des salles : vestiaire, sanctuaire des gladiateurs, salle de garde. Sur place, liser les panneaux pour restituer les volumes manquants et l’ancrage dans le vaste sanctuaire fédéral.
Thermes et quartiers antiques
- Thermes de la rue des Farges / Saint Just (Lyon 5e) : Restes d’un établissement thermal en terrasses, avec absides de salles chauffées visibles et structures s’étageant entre habitat, boutiques et grande place.
Le plus important complexe thermal connu de la ville, bâti sur le flanc de Fourvière. La partie visible montre au sud deux grandes absides de salles chauffées et les fondations des bains publics. Organisation par niveaux. Trois terrasses à l’origine : supérieure (maisons riches, boutiques, entrepôts), moyenne (soutenue par un grand mur), inférieure (grande place). Aujourd’hui, seules les deux terrasses inférieures se voient. Conseil de visite : Chercher les traces de l’hypocauste (chauffage par le sol) et le rythme des pièces chaudes/froides pour visualiser le parcours des baigneurs.
Infrastructures et vestiges d’ingénierie
- Aqueducs de Lugdunum (notamment du Gier) : Tracés, arches et ouvrages hydrauliques restent visibles dans l’aire lyonnaise (ponts siphons, murs de soutènement). Sur Fourvière, vous perçevez encore l’ampleur du réseau par les réservoirs et les alignements de blocs. Les Aqueducs illustrent le génie hydraulique romain au service de la capitale des Gaules.
Ce qu’on peut encore voir autour de Lyon : Arches et tronçons spectaculaires de l’aqueduc du Gier au sud-ouest de la ville (Chaponost, Brignais) et ouvrages du siphon de Beaunant à Sainte Foy lès Lyon. Ils illustrent ponts siphons et conduites sous pression caractéristiques des aqueducs lyonnais. Conseil de visite : Combine Fourvière le matin et, l’après midi, un saut à Chaponost (le Plat de l’Air) pour lire la prouesse hydraulique in situ.
- Trames de rues et terrasses de Fourvière : Les plateformes antiques structurent encore le relief urbain ; certaines limites d’îlots et pentes suivent des lignes héritées de Lugdunum.
Musées et pièces majeures in situ
- Musée Lugdunum – musées et théâtres romains : À côté du théâtre et de l’odéon, il met en contexte les monuments, avec inscriptions, mosaïques et objets de la vie quotidienne.
Le musée Lugdunum et théâtres romains met en contexte théâtre, odéon, thermes et réseaux d’eau avec maquettes, inscriptions, mosaïques et la célèbre Table claudienne, texte fondateur sur l’intégration des notables gaulois. Conseil de visite : Commencer par la terrasse panoramique du musée pour superposer la ville antique au Lyon actuel; ensuite redescendre vers les gradins pour éprouver l’échelle des lieux.
- Table claudienne (au musée) : Bronze fondamental pour l’histoire des Gaules et de l’intégration au Sénat romain, exposé à Lyon et directement relié à l’amphithéâtre et au sanctuaire des Trois Gaules.
L'ensemble de Fourvière: Théâtre et odéon, avec le musée Lugdunum, éclairent l’urbanisme et la culture de la colonie.
À deux pas, côté Rhône
- Saint Romain en Gal / Vienne : Immense site gallo romain et découvertes récentes, utile pour compléter la vision lyonnaise si vous poussez l’excursion au sud du confluent.
Itinéraire touristique suggéré sur une demi journée
- Fourvière – théâtre et odéon : Montée par les jardins, vue plongeante, passage au musée pour lire la ville antique dans le paysage. Boucle Fourvière courte (1h30–2h) : Théâtre → Odéon → Musée → points de vue (meilleure lumière en fin d’après midi).
- Saint Just – thermes des Farges : Descente douce par les terrasses pour toucher la vie quotidienne des bains. Transversale des pouvoirs (2h) : Saint Just (thermes des Farges) → traversée vers Saône → montée à l’amphithéâtre des Trois Gaules pour le lien culte impérial/ville.
- Croix Rousse – amphithéâtre des Trois Gaules : Traverser la Saône et remonte aux pentes pour finir sur le lieu des assemblées fédérales et des spectacles.
- Complément hydraulique (demi journée) : Matin Fourvière, après midi arches de l’aqueduc du Gier à Chaponost.
Religion, christianisme et mutations
Christianisme naissant et martyrs
Dès le IIe siècle, une communauté chrétienne active apparaît, Lugdunum (Lyon) devient un foyer actif de la foi. Des chrétiens, souvent d’origine orientale ou grecque, s’installent dans la capitale des Gaules, milieu marchand et lettré où circulent idées et personnes. Ils vivent mêlés au tissu urbain, sans édifices cultuels publics. La “Lettre des Églises de Lyon et de Vienne” (177) : est le récit fondateur transmis plus tard par Eusèbe, qui atteste une communauté organisée (diacre, évêque, catéchumènes) et soudée dans l’épreuve. Pothin (Pothinus), très âgé, est le premier évêque connu.
Persécutions de 177
Soupçons locaux, hostilité sociale et enquête romaine débouchent sur une répression sous Marc Aurèle. Le refus de sacrifier aux dieux et l’exclusivisme religieux alimentent l’accusation. Arrestations, interrogatoires, mises à mort à l’amphithéâtre des Trois-Gaules (Croix Rousse). L’amphithéâtre voit le martyre de fidèles dont Blandine torturée à plusieurs reprises, exposée aux bêtes dans l’amphithéâtre ; Pothin (premier évêque de Lyon, mort en prison), Pontique (très jeune), Attale, Sanctus, Maturus… une diversité sociale frappante.
Figure ardente des origines chrétiennes en Gaule, Blandine est devenue l’emblème de la communauté de Lugdunum et, au-delà, de la fidélité dans l’épreuve. Son histoire naît d’un texte unique, puissant : la Lettre des Églises de Lyon et de Vienne (rapportée plus tard par Eusèbe), qui raconte la persécution de 177. Blandine est décrite comme une esclave chrétienne, catéchumène puis témoin central du martyre. La lettre insiste sur la solidarité Lyon–Vienne. Les martyrs marquent durablement la mémoire religieuse locale et annoncent le basculement tardif vers une ville chrétienne tardo antique.
L'Évêque Irénée à la fin du IIe siècle, successeur de Pothin, lettré formé en Asie Mineure ancre Lyon dans le réseau des Églises et combat les gnoses dans “Contre les hérésies”, posant un socle théologique (règle de foi, succession apostolique). Lyon devient un relais entre Orient, Rome et provinces gauloises ; l’évêque sert d’arbitre doctrinal et de médiateur.
À la fin de l’Antiquité, le christianisme structure la vie publique et prépare le Moyen Âge lyonnais. Entre crises du IIIe siècle et reconfiguration des pouvoirs, l’habitat se resserre vers les bords de Saône, préparant la ville médiévale au pied de Fourvière.
Moyen Âge à Lyon
Période burgonde à Lyon
Lyon passe, au tournant de l’Antiquité tardive et du haut Moyen Âge, sous l’autorité des Burgondes et devient l’une des capitales politiques du royaume, aux côtés de Genève. C’est une phase de transition profonde : recul des institutions romaines, montée du pouvoir épiscopal, coexistence confessionnelle (arianisme/catholicisme), et recomposition urbaine autour de la Saône.
Après leur quasi anéantissement par les Huns, les Burgondes sont installés comme fédérés en Sapaudia (autour du Léman) par Aetius vers 443, avec Genève pour capitale; l’effacement de l’autorité romaine leur permet d’étendre paisiblement leur domaine dans la seconde moitié du Ve siècle. Des cités comme Lyon ouvrent leurs portes aux Burgondes en 457 ; Chilpéric s’installe à Lyon vers 470, et la ville devient, avec Genève, pôle politique du royaume en expansion vers la Durance. La tradition locale retient l’“installation des Burgondes à Lyon” vers 480 comme repère chronologique.
Chronologie politique (fin Ve – première moitié VIe siècle)
Après Chilpéric, le pouvoir se partage entre les fils de Gondioc : Gondebaud règne à Lyon et Godegisèle à Genève. Les deux sont ariens, leurs épouses catholiques. Lla princesse Clotilde, future épouse de Clovis est élevée à Lyon dans la foi catholique. Vers 500–501, Godegisèle s’allie à Clovis contre Gondebaud. Retournements d’alliances, siège et massacre à Vienne en 501 rétablissent Gondebaud comme seul roi jusqu’en 516. Il cherche l’équilibre entre Burgondes et Gallo Romains, ariens et catholiques.
Institutions, droit et Église
Dans la ville, le véritable “maître” devient l’archevêque, reflet d’une autonomie urbaine persistante dans un cadre politique mouvant du royaume burgonde, puis franc. Sous Gondebaud, un code est promulgué pour ordonner la coexistence des populations et confessions (souvent désigné sous le nom de Loi “Gombette”), témoignant de l’hybridation entre traditions germaniques et héritage romain. Lyon, capitale politique et centre religieux, vit une coexistence parfois tendue mais encadrée entre ariens (élite burgonde) et catholiques (majorité gallo romaine), ce que les politiques de Gondebaud cherchent à stabiliser.
La ville se resserre dès l’effondrement impérial sur les deux rives de la Saône. Fourvière et de larges secteurs de la Presqu’île se dépeuplent. L’occupation se maintient autour du groupe cathédral : Saint Jean, Sainte Croix, baptistère Saint Étienne, et de quelques pôles comme Saint Nizier. Malgré le recul, on continue sous les Burgondes d’utiliser des techniques héritées (mortier de tuileau, tuyaux de plomb, salles chauffées, notamment à l’évêché). Ces pratiques “romaines” déclinent surtout dans la seconde moitié du VIe siècle sous influence franque, au profit de constructions plus modestes en bois et de liants à l’argile.
Le groupe cathédral structure l’espace urbain ; les basiliques cémétériales et communautés religieuses ancrent la ville dans un réseau chrétien dense dès l’Antiquité tardive, rôle qui perdure au haut Moyen Âge. Le recentrage sur la Saône, la prééminence de l’archevêque et la trame d’églises forment l’héritage spatial et institutionnel que l’époque franque et carolingienne prolongeront à Lyon.
Après Gondebaud, la dynastie burgonde se poursuit (Sigismond, puis Gondomar/Godomar) mais subit la pression franque. Vers 535, le royaume burgonde s’effondre politiquement et Lyon passe sous domination franque. La cité perd de l’influence politique directe tout en restant un centre religieux de premier plan. La “chute du royaume burgonde” est traditionnellement datée autour de 535 ; l’intégration franque est achevée peu après, marquant la fin de l’autonomie politique burgonde.
Figures et épisodes marquants dans le haut Moyen Âge liés à Lyon
- Chilpéric, roi à Lyon : Installe sa cour à Lyon vers 470, moment où la cité prend un rang de capitale dans le royaume en formation.
- Gondebaud, “roi de Lyon” : Centre sa puissance sur Lyon, arbitre entre factions et confessions ; sa législation marque durablement la société mixte burgonde–gallo romaine.
- Clotilde : Princesse élevée à Lyon, future reine des Francs ; son mariage avec Clovis tisse des liens décisifs entre Burgondes et Francs, prélude aux interventions franques dans la région.
Le Moyen Âge : une cité religieuse et commerçante
Après la chute de l’Empire romain, Lyon devint un centre religieux de premier plan. Ballottée entre les éphémères royaumes du haut Moyen Âge, Lyon passa de main en main. Grands bénéficiaires de cette incertitude, les évêques d'une France fraîchement catholique, à la suite du baptême de Clovis (498), s'appuyèrent sur leurs martyrs pour installer durablement leur pouvoir sur Lyon. La Primatiale Saint-Jean, siège de l’archevêque, illustre cette importance spirituelle.
Au fil des siècles, la ville s’imposa aussi comme un carrefour économique grâce à ses foires internationales. Les marchands italiens, flamands et allemands affluaient pour échanger soieries, épices et livres.
Sites à visiter à Lyon pour la période burgonde (vers 450–535)
Cette période se lit surtout dans les lieux de culte, les nécropoles et quelques couches archéologiques d’Antiquité tardive. Voici les sites où vous pouvez vraiment “voir” ou ressentir Lyon au temps des Burgondes.
Groupe cathédral de Lyon, rive Saône
- Saint-Jean-Baptiste (Primatiale). Ce qu’on voit : La cathédrale actuelle est médiévale, mais le site est occupé en continu depuis l’Antiquité tardive ; la topographie du groupe épiscopal (cathédrale, églises annexes, cloître) s’ancre dans la période burgonde. À repérer : Le voisinage immédiat des ruines de Saint-Étienne et Sainte-Croix, l’organisation autour du baptistère disparu, et des remplois antiques visibles dans les maçonneries.
- Église Saint-Étienne et Sainte-Croix (vestiges archéologiques). Ce qu’on voit : Au sud de la primatiale, le jardin archéologique conserve les plans des anciennes églises du complexe cathédral, actives aux Ve–VIe siècles. À repérer : Les tracés de basiliques tardo-antiques, indices de la montée du pouvoir épiscopal sous domination burgonde.
Églises et nécropoles tardo-antiques
- Saint-Irénée (Fourvière, quartier de Trion). Ce qu’on voit : Église sur un site chrétien très ancien, crypte, sarcophages et maçonneries qui témoignent des usages funéraires et cultuels entre l’Antiquité tardive et le haut Moyen Âge. À repérer : Les inscriptions et sarcophages réemployés, la continuité d’un pôle chrétien sur la pente de Fourvière.
- Basilique Saint-Just et nécropole (Saint-Just/Saint-Irénée). Ce qu’on voit: Vestiges d’un grand complexe basilical tardo-antique fréquenté aux Ve–VIe siècles, avec zones funéraires adjacentes. À repérer : Le plan des édifices paléochrétiens, marque de la contraction de la ville autour des pôles religieux.
- Saint-Nizier (Presqu’île). Ce qu’on voit : Église actuelle gothique mais sur un site de culte ancien ; l’occupation chrétienne y remonte à l’Antiquité tardive. À repérer : Le rôle de ce pôle au nord de la Presqu’île quand la ville se resserre le long de la Saône.
- Île Barbe (Saône, 9e). Ce qu’on voit : Monastère ancien dont l’origine remonte au haut Moyen Âge, avec ancrage possible dans les décennies post-romaines ; atmosphère et trame spatiale qui évoquent la transition burgonde/franque. À repérer : Le site insulaire comme refuge et pôle religieux précoces.
Musées et collections pour la période 450–550
- Lugdunum – Musée et théâtres romains (Fourvière). Ce qu’on voit : Au musée, sections d’Antiquité tardive: inscriptions, mobilier funéraire, mosaïques tardives, artisanat et objets du quotidien des Ve–VIe siècles. À repérer : Les stèles et sarcophages chrétiens, transformations des pratiques domestiques et funéraires après l’Empire.
- Musée d’Histoire de Lyon (Gadagne). Ce qu’on voit : Panorama de l’évolution urbaine du Ve au Moyen Âge; éléments sur la recomposition de la ville sous pouvoir épiscopal et royaumes post-romains. À repérer : Cartes et maquettes restituant la contraction urbaine et les pôles actifs au temps burgonde.
Itinéraires touristiques conseillés
- Parcours 2–3 heures “cœur burgonde” : Départ : Cathédrale Saint-Jean - Ensuite : Jardin archéologique (Saint-Étienne/Sainte-Croix) - Montée : Saint-Just → Saint-Irénée (crypte, sarcophages). Option musée : Lugdunum (section Antiquité tardive)
- Parcours journée “ville qui se resserre sur la Saône” : Matin : Vieux Lyon (Saint-Jean + jardin archéologique) - Midi : Lugdunum – musée - Après-midi : Saint-Just/Saint-Irénée → Île Barbe - Retour : Saint-Nizier pour sentir le pôle presqu’île ancien
Conseils pratiques
- Horaires/accès : Vérifier l’ouverture des églises (offices, mariages) et des espaces archéologiques, parfois fermés hors saison.
- Lectures sur site : Chercher les panneaux “Antiquité tardive”/“paléochrétien” ; ils donnent les phases Ve–VIe.
- Regard utile : Repèrer les remplois romains, les plans basilicaux simples, les sarcophages en remploi et les zones funéraires attenantes : ce sont les marqueurs les plus fiables de la période.
Lyon aux IXe et XIVe siècles
Période de bascule lente et profonde : Lyon passe des cadres carolingiens à l’ordre féodal, sous la houlette d’archevêques puissants, entre raids, recompositions politiques et renaissance monastique.
843–870 : Lyon dans la sphère lotharingienne ; affirmation épiscopale.
Après Verdun (843) : Lyon entre d’abord dans le royaume de Lothaire, au cœur d’une “zone charnière” entre royaumes francs. Les partages suivants la font basculer de tutelles en traités, sans capitale stable à proximité.
879–930 : Royaume de Provence (Boso, Louis l’Aveugle) ; Lyon gravite vers l’ensemble burgonde provençal.
En 879, Boso fonde le royaume de Provence ; la région lyonnaise gravite progressivement dans l’orbite burgonde-provençale.
Le “programme” carolingien (Héritage de Leidrade et Agobard des VIIIe–IXe) : restauration des églises, écoles, scriptoria, discipline liturgique se poursuit au IXe siècle. Lyon reste un pôle de copie et de débat théologique, relayé par les successeurs (Amolon, Remi/Remigius). L’archevêque arbitre, administre, garantit la défense et la justice en l’absence d’un pouvoir comtal fort. Le chapitre cathédral (chanoines de Saint Jean) s’affirme comme un véritable organe urbain. L’Île Barbe et, en germe, Ainay et d’autres maisons renforcent l’encadrement spirituel et social de la cité (aumône, hospitalité, gestion de domaines).
930–1000: Royaume de Bourgogne (Rodolphe II, Conrad le Pacifique); stabilité relative, reprise monastique, structuration capitulaire.
Au Xe siècle, Lyon relève du royaume de Bourgogne (dit aussi d’Arles), sous Rodolphe II puis Conrad le Pacifique, avant l’intégration de ce royaume au Saint-Empire au XIe siècle. Fin Xe : feudalisation en cours; l’autorité temporelle de l’archevêque s’ancre dans les faits. L’éloignement des centres royaux favorise l’autonomie des élites urbaines et ecclésiales ; l’archevêque devient l’autorité effective sur la cité et ses environs.
Les IXe–Xe siècles sont rythmés par des incursions : normands remontant le Rhône, expéditions hongroises par la Bourgogne, Sarrazins contrôlant des cols alpins et lançant des razzias. Ces chocs entraînent des replis, fortifications ponctuelles et une vigilance accrue des pouvoirs religieux. La population se concentre sur la rive droite de la Saône et les pentes immédiates ; la ville haute antique de Fourvière reste marginale. On entretient des enceintes locales et des points forts autour des pôles religieux.
Le “groupe épiscopal” : Saint Jean, Sainte Croix, baptistère Saint Étienne, structure un centre compact ; Saint Paul (quartier commerçant) et Saint Georges au sud complètent la trame sur berge. Marchés fluviaux, artisanats (métal, cuir, textile) et revenus ecclésiaux dominent. Les grandes foires internationales viendront plus tard ; ici, on vit d’échanges régionaux et des rentes domaniales. Superposition de droit carolingien tardif, privilèges ecclésiastiques et usages locaux. La seigneurie épiscopale s’enracine, préludant à la pleine domination politique de l’archevêque au Moyen Âge central.
Les sanctuaires de Saint Just et Saint Irénée (avec leurs nécropoles) nourrissent une topographie sacrée qui cadre processions, pèlerinages et fêtes. La mémoire des martyrs (177) irrigue la spiritualité locale. La “renaissance” carolingienne se prolonge : corrections liturgiques, commentaires bibliques, circulation de clercs. Lyon reste un foyer scripturaire respecté dans les Gaules. Malgré les épidémies, les famines, les invasions, les dissensions politiques, les héritages hasardeux, les ambitions des seigneurs féodaux, ce fut, sous l'égide de l'Église, une époque de grand essor, qui vit pousser de nombreux édifices religieux (abbayes, églises) et profanes (ponts, rues). Cette constructive ferveur fut récompensée en 1074 par le pape Grégoire VII, qui décerna à l'archevêque de Lyon le titre envié de primat des Gaules.
Le XIIIe siècle est un moment charnière : Lyon est encore gouvernée par son archevêque, mais de plus en plus connectée aux grands flux religieux et politiques de l’Occident. Lyon s’affirme comme capitale spirituelle, carrefour rhodanien et chantier urbain actif, à la veille de son basculement dans le royaume de France au début du siècle suivant.
Lyon pendant la croisade des Albigeois
Lyon n’a pas été un champ de bataille de la croisade contre les Albigeois. L’armée croisée se met en route depuis Lyon au lancement de la croisade en 1209, puis descend la vallée du Rhône vers les terres du comte de Toulouse. C’est l’épisode le plus directement attesté liant Lyon au début de la campagne. Les opérations majeures se déroulent ensuite en Languedoc (Béziers, Carcassonne, Minerve, Termes, Lavaur, Toulouse, Muret…), confirmant que Lyon resta en arrière, comme tête de pont du flux de pèlerins soldats et de ravitaillement.
En tant que grande cité ecclésiale, Lyon a vraisemblablement accueilli prêches, serments et départs de croisés (surtout en 1209), sans qu’on y relève d’affrontements. Position clé sur le Rhône pour héberger, financer et acheminer hommes et vivres vers le sud ; les passages des contingents ont dû rythmer la vie urbaine, particulièrement au lancement de la croisade.
Lors de cette période du XIIIe siècle, le pouvoir temporel et spirituel reste concentré entre les mains de l’archevêque et des chapitres (Saint-Jean, Saint-Paul, Saint-Georges). Les institutions communales émergent timidement, sans renverser cet ordre. La ville est un enjeu entre princes laïcs et autorité ecclésiale. Les Capétiens s’y intéressent davantage au fil du siècle, préparant le rattachement du début du XIVe.
Lyon accueille deux conciles œcuméniques (1245 et 1274), qui rassemblent papes, cardinaux, princes et évêques d’Europe. Premier concile de Lyon en 1245 (dépose l’empereur Frédéric II, réformes de l’Église). Second concile de Lyon en 1274 (tentative d’union avec l’Église grecque, discipline ecclésiastique). Ils consacrent la ville comme scène politique et spirituelle internationale. La centralité liturgique et intellectuelle héritée de la réforme carolingienne perdure. Les réseaux épiscopaux font de Lyon un lieu d’arbitrage, de correspondance et de décision. Franciscains et Dominicains s’implantent dans la ville au XIIIe siècle, densifiant la carte des couvents, des studia et de la prédication en milieu urbain.
La vie se concentre sur la rive droite de la Saône (Saint-Jean–Saint-Paul–Saint-Georges), avec une Presqu’île qui s’organise progressivement autour des marchés, entre Rhône et Saône. Les franchissements pérennes sur la Saône et surtout sur le Rhône stabilisent les circulations et ancrent des axes commerciaux. Le pont sur le Rhône devient un enjeu majeur de continuité urbaine nord–sud. La primatiale Saint-Jean poursuit ses campagnes gothiques; on réaménage cloîtres, chapelles et espaces capitulaires. Les couvents mendiants créent de nouveaux pôles bâtis. Autour des portes et ponts, de petits faubourgs artisanaux et hôteliers se forment, accueillant bateliers, tanneurs, métiers du cuir et du métal.
Avant l’âge d’or des foires de la fin du XVe siècle, Lyon vit d’un commerce régional robuste (vins, grains, bétail, cuir, draps), de péages et de la rente ecclésiale. Les bateliers de Saône et de Rhône assurent des flux réguliers entre Bourgogne, vallée du Rhône et Méditerranée; Lyon joue l’entrepôt et le relais. Chanoines, clercs réguliers et séculiers, notables marchands, artisans, bateliers. Confréries professionnelles et charités structurent la solidarité en ville. Les revenus ecclésiaux (dîmes, cens) cohabitent avec des droits de passage et de marché. Les arbitrages de l’archevêque fixent prix, qualité et paix publique.
Le XIVe siècle est le siècle de bascule : Lyon passe de la seigneurie épiscopale à l’orbite capétienne, encaisse famines, peste et guerre, tout en consolidant ses ponts, ses institutions et sa place de carrefour rhodanien. Après des décennies de tensions avec l’archevêque, la ville est réunie au royaume de France au début du siècle (1312–1313). La tutelle royale s’installe durablement, avec officiers (bailli/sénéchal) et fiscalité d’État. Les échevins (consuls) prennent progressivement la main sur la gestion urbaine dans les années 1310–1320. Le pouvoir municipal s’affirme face au chapitre cathédral, même si l’Église conserve poids et privilèges. La primatiale Saint Jean reste un centre liturgique et politique majeur. En 1316, l’élection et le couronnement de Jean XXII à Lyon rappellent la stature spirituelle de la cité.
La trame médiévale se resserre autour de Saint Jean, Saint Paul et Saint Georges. Campagnes gothiques à la primatiale, extensions de cloîtres et chapelles; les couvents et hôpitaux (Hôtel Dieu) structurent l’aide et l’enseignement. Les portes et enceintes rythment accès et marchés ; les quais se spécialisent par métiers. Règlements de qualité, prix et apprentissage ; les confréries offrent secours, funérailles et sociabilité, cruciales en temps de crise. Le pont de la Guillotière (pont sur le Rhône, d’origine médiévale) devient un axe vital nord–sud; l’urbanisation gagne, avec ateliers, hôtelleries et entrepôts qui soutiennent le transit entre Bourgogne et Méditerranée. Céréales, vins, sel, cuirs, draps et métal dominent. Les marchands italiens sont moins présents qu’aux XVe–XVIe siècles, mais les réseaux bourguignons et rhodaniens soutiennent l’activité.
Entre dîmes, cens, droits de passage et aides royales, la pression fiscale se complexifie. Les échevins négocient exemptions et répartitions pour éviter les émeutes de subsistances. Édilité, voirie, police des marchés et réparations des ponts deviennent des priorités municipales, surtout après les crues et épisodes de violences.
Crises et insécurités
- Grande Famine (1315–1317) : Chute des rendements, hausse des prix, pauvreté accrue; la ville organise l’assistance via chapitres, hôpitaux et confréries.
- Peste noire (1348) et retours épidémiques : Effondrement démographique, recompositions sociales et foncières; métiers et marchés s’adaptent à une main-d’œuvre raréfiée.
- Guerre de Cent Ans (contexte indirect) : Lyon n’est pas un théâtre d’opérations principal, mais subit péages renforcés, ponctions fiscales, passage de compagnies et aléas du commerce. En fin de siècle, l’insécurité routière et fluviale pousse à renforcer ponts, portes et guets.
Sites à visiter à Lyon pour la période du IXe et XIVe siècles
- Groupe cathédral de Saint Jean : la cathédrale roman-gothique porte l’empreinte du long XIIIe siècle (élévations gothiques, chapelles). Le jardin archéologique (Saint Étienne, Sainte Croix) raconte le socle plus ancien sur lequel s’appuie la puissance épiscopale, traces des basiliques paléochrétiennes et tardo antiques et sous sols de la primatiale éclairent la continuité IXe–Xe siècles. Élévations gothiques et chapelles latérales portent la marque du “long XIIIe–XIVe siècle”.
- Saint Just et Saint Irénée : Cryptes, sarcophages, niveaux funéraires attestent la vitalité religieuse et mémorielle de la période.
- Île Barbe : Site monastique ancien, cadre évocateur de la réorganisation religieuse et économique autour des communautés.
- Vieux Lyon : Le parcellaire, certaines maçonneries et la trame viaire gardent la logique médiévale, alignements de rues et logiques d’îlots; sous les façades postérieures, la trame du XIVe affleure encore. Les grands hôtels Renaissance réemploieront plus tard ces structures.
- Couvents mendiants (traces) : Les implantations des ordres ont souvent été transformées, mais leur localisation a façonné rues et îlots, perceptibles dans la morphologie des quartiers.
- Hôtel Dieu et ponts : Même si leurs formes actuelles sont plus tardives, leurs sites et fonctions remontent à la fin du Moyen Âge.
Du Moyen Âge à la Renaissance
La Renaissance marque l’ascension de l’élite marchande lyonnaise et inscrit la ville dans une République des Lettres où s’échangent langues, arts et sciences.
La Renaissance : l’âge d’or lyonnais !
Déjà à partir du XIIe siècle, Lyon prospère grâce à ses foires, attirant banquiers italiens, marchands flamands et artisans spécialisés. La ville se dote d’institutions municipales, tandis que les archevêques conservent une influence considérable.
Au début du XVe siècle, Charles VII fit à Lyon un cadeau de prix : deux, puis bientôt quatre foires franches annuelles. Lyon décroche en 1463 quatre foires annuelles avec Louis XI, attirant marchands européens et banquiers italiens, tremplin vers la Renaissance. L'aubaine de la libre circulation des marchandises attira des commerçants de toute l'Europe. Allemands, Flamands et surtout Lombards et Florentins, fuyant leur pays en guerre, transformèrent Lyon en un incontournable carrefour international.
Marchands italiens (Florence, Lucques, Milan, Gênes), Suisses, Allemands et Flamands traitent lettres de change, soies, draps fins, épices, métaux précieux. Les changeurs s’installent près des places et ponts ; la ville devient un pivot des paiements entre Flandre, Italie et vallée du Rhône. Les “nations” s’organisent; les grandes familles italiennes dont les Gadagne/Guadagni, irriguent crédit et change. Lyon devient un laboratoire financier où s’affinent échéances, escomptes et pratiques de compensation.
Parmi les nombreuses marchandises qui transitaient par les foires lyonnaises, ce fut la soie, dont François Ier favorisa le tissage à Lyon, qui apporta la richesse à la ville. La quantité des échanges commerciaux et l'habileté des commerçants florentins suscitèrent le développement d'une prospère activité bancaire, dont Lyon s'enorgueillit toujours. Après des tentatives au XVe, le pouvoir royal encourage au XVIe la production locale (ateliers, teintureries). Les canuts, ouvriers-tisserands indépendants, travaillent à domicile, dépendants des marchands-fabricants. La véritable hégémonie de la soie viendra plus tard, mais le siècle installe déjà ses techniques et ses réseaux.
La ville ne s’étale guère ; elle monte. Maisons rehaussées, cours intérieures, galeries, escaliers à vis, et passages à travers îlots fluidifient la logistique entre ateliers et quais. Naissance des traboules, passages traversant les îlots, facilitant la circulation des marchandises entre cours et quais; façades à galeries dans le Vieux Lyon.
Au XVe et XVIe siècles, Lyon devient un des pôles typographiques européens. L’imprimeur Sébastien Gryphe, Étienne Dolet, les Tournes publient humanistes, juristes, médecins, Bibles, almanachs et littérature populaire, accélérant la circulation des savoirs. Le livre lyonnais voyage autant que ses soies. Lyon connut un véritable essor culturel et artistique. François Ier et sa mère Louise de Savoie y séjournèrent souvent, apportant à Lyon le faste de la Cour. Le Lyon de cette florissante Renaissance, qui avait gagné une relative indépendance vis-à-vis du pouvoir royal, n'était pas qu'un îlot économique et commercial. Lyon devint, avec Venise et Paris, l'une des capitales du livre et de la vie intellectuelle.
La ville devint un foyer de l’imprimerie, accueillant des humanistes et des écrivains. Maurice Scève, Louise Labé, Pernette du Guillet: une voix française sensuelle et érudite. Les salons, la musique, la typographie fine (caractères, mises en page) donnent un style reconnaissable. Atlas, traités médicaux, recueils de chants, gravures de mode et d’ornement s’impriment et circulent; la ville façonne des goûts. Lors des guerres de Religion, de nombreux imprimeurs lyonnais prirent fait et cause pour les réformes prêchées par Calvin.
L’essor de la soierie lyonnaise, qui fera sa renommée mondiale, débuta à cette époque. Les traboules, ces passages secrets reliant les rues aux cours intérieures, sont un héritage vivant de cette période florissante. Au XVIIe siècle, la soierie s’impose. Sous l’impulsion royale et des savoir-faire locaux, Lyon devient la capitale européenne du textile de luxe.
Architecture et traces visibles aujourd’hui
- Vieux Lyon Renaissance (Saint Jean, Saint Paul, Saint Georges) : Hôtels particuliers (Gadagne, Bullioud, de la Chamarerie), escaliers à vis, galeries superposées, cours pavées; les traboules fixent la logistique du commerce.
- Presqu’île en mutation : Ponts, quais, places en gestation; boutiques, changeurs et auberges alignés près des axes vers Rhône et Saône.
- Églises remaniées : La primatiale Saint Jean poursuit ses chantiers; couvents et confréries encadrent une ville où foi et économie s’entrelacent.
Pour une visite touristique “XVIe siècle” en 2 heures
- Départ Musée Gadagne : Pour le fil économique et social.
- Traboules Saint Jean/Saint Paul : Hôtels Renaissance (cours, galeries, escaliers).
- Place du Change et quai de Bondy : Lire la topographie des changeurs et des marchands.
- Primatiale Saint Jean : Comprendre les continuités liturgiques dans la ville marchande.
Guerres de Religion et retournements
Prise de Lyon par les protestants (1562–1563)
En 1562, au début des guerres de Religion, Lyon bascule et devient, pendant plus d’un an, une capitale politique et intellectuelle du protestantisme français. Vitrine urbaine d’un programme religieux et politique radical qui finira par échouer avec la reprise catholique. La séquence est brève, intense, et laisse des traces urbaines et mémorielles durables. Iconoclasme, recomposition des pouvoirs, réorganisation des cultes et des finances pendant plusieurs mois.
Pourquoi Lyon ? Ville de foires, d’imprimeurs et de réseaux européens, Lyon offre dès les années 1550–1560 un terrain favorable à la diffusion des idées réformées, porté par les circuits du livre et la proximité de Genève. La domination protestante y reflète l’audace mais aussi les tensions d’une capitale économique traversée par les débats religieux.
Le basculement d’avril–mai 1562
Le 29 avril au soir, environ un millier de réformés se rassemblent à la Guillotière; dans la nuit, ils s’emparent des points stratégiques. Le 30 avril, ils contrôlent Lyon. Les chanoines de Saint Jean résistent un temps dans le cloître avant de fuir.
Pour consolider la prise, les réformés appellent le baron des Adrets. Figure aussi redoutée que décisive, François de Beaumont, dit le baron des Adrets, est appelé à Lyon au printemps 1562 pour consolider la prise de la ville par les réformés et en faire un pivot militaire des débuts des guerres de Religion dans le Sud-Est. Gentilhomme de guerre passé au camp huguenot au début de 1562, il se distingue par une mobilité fulgurante et une sévérité devenue légendaire, qui marquent ses campagnes en Dauphiné et en Provence la même année.
Après Wassy (1er mars 1562), la confrontation s’embrase; des troupes réformées s’emparent de plusieurs villes, et la région lyonnaise devient un enjeu stratégique entre Rhône et Alpes. Le baron des Adrets arrive à Lyon le 5 mai avec sa troupe. Il assiège le château de Pierre Scize qui commande la Saône. La place se rend le 7 mai, verrouillant le contrôle huguenot sur les points névralgiques de la cité. Ses hommes et les alliés locaux tiennent la place du Change et la rue Saint Jean, nœuds politiques et économiques du Vieux Lyon.
Les jours suivants, des saccages visent églises et couvents; la primatiale Saint Jean subit un iconoclasme marqué et son horloge astronomique est endommagée. Statues, reliques et images sont détruites à la primatiale Saint Jean, Saint Nizier et à l’abbaye d’Ainay ; cloître de Saint Jean et église Saint Just sont abattus. Trésors ecclésiastiques et cloches sont saisis, vendus ou fondus pour battre monnaie, afin de payer la garnison, une logique de guerre qui alimente la mémoire du “sac”. Outre le pillage des monastères pour solder les troupes, des statues de la façade de Saint Jean sont détruites à l’arquebuse ; l’intérieur est dégradé, marquant le rejet des images par les plus zélés.
Contrairement à d’autres étapes de sa chevauchée, les sources locales soulignent l’absence de massacre de masse à Lyon même, malgré des saccages et pillages menés par les plus zélés. Les sévices commis ailleurs par les troupes (les “sauteries”) du baron des Adrets choquent jusqu’à Genève. La direction huguenote cherche à reprendre la main sur la discipline et l’image du mouvement. Le 17 juillet 1562, des Adrets est écarté et remplacé dans le gouvernement de la ville par Jean de Parthenay, seigneur de Soubise, envoyé de Condé pour stabiliser la situation lyonnaise, gouverner et rétablir l’ordre.
Douze échevins réformés sont élus et s’ajoutent au consulat ; dans les faits, le Consistoire domine. Le lieutenant général (comte de Sault) est d’abord maintenu pour ménager une fidélité de façade au roi. Les protestants entreprennent des aménagements d’ampleur : démolition de l’église et du cloître fortifié de Saint Just, percement de la montée du Chemin Neuf, dégagement d’un vaste terrain de manœuvre (future place Bellecour) et ouvertures d’axes reliant ce secteur à la Saône et aux Jacobins. Ces chantiers visent à sécuriser et fluidifier la ville tenue par les réformés.
Les protestants conservent le pouvoir quatorze mois, jusqu’au 15 juin 1563, période durant laquelle Lyon joue un rôle national côté huguenot. Après ces quatorze mois, le contrôle protestant s’effrite sous la pression militaire et politique; la ville revient dans l’orbite catholique et royale, ce qui ouvre la voie aux violences anti huguenotes des années suivantes dont 1572.
Vêpres lyonnaises (1572)
C’est un moment noir de la mémoire lyonnaise : à la suite de la Saint-Barthélemy à Paris, Lyon connaît, du 30 août au début septembre 1572, une vague de massacres visant les protestants. Un basculement brutal où la rumeur, la ferveur religieuse et les peurs politiques se transforment en tuerie. Des figures comme le musicien Claude Goudimel sont tuées. Le traumatisme marque durablement les mémoires urbaines. La séquence lyonnaise des “Vêpres” s’inscrit explicitement dans ce prolongement, du 30 août au 3 septembre selon les repères généralement retenus.
Les protestants restent nombreux et influents à Lyon en 1572; chez certains catholiques, l’ascension de Coligny dans l’entourage royal crispe depuis des mois, ce qui alimente les tensions quand la nouvelle de son assassinat arrive.
À l’annonce des événements parisiens les 27 et 29 Août, des manifestations hostiles éclatent. Le gouverneur François de Mandelot fait établir des corps de garde aux ponts et sur les places pour contenir la foule ; l’ordre tient une première nuit, mais l’agitation enfle le lendemain. Du 30 août au 3 septembre, la foule bascule dans la violence: arrestations, irruptions dans les maisons, exécutions sommaires, mise à mort de réformés détenus dans les prisons. Les récits retiennent des “centaines de victimes” sur quelques jours, d’où l’appellation de Vêpres lyonnaises.
Malgré les consignes royales de ne pas laisser se reproduire en province le scénario parisien, l’autorité locale n’empêche pas l’embrasement. Mandelot tente d’abord la prévention et la protection; la dynamique de foule et les prises d’armes rendent ensuite la maîtrise impossible. Processions, attroupements, descentes dans les prisons et perquisitions privées ponctuent ces journées. La violence est moins une opération militaire qu’une série d’actions de foule, catalysées par la peur d’un “complot” huguenot et par l’ivresse punitive post Saint Barthélemy.
Les estimations convergent sur “des centaines” de morts. Les victimes incluent des notables et des artisans réformés, ainsi que des détenus exécutés en prison lors des journées les plus sanglantes. Outre les personnes, on s’en prend à des lieux liés à la communauté protestante. L’objectif est d’éradiquer la présence réformée visible, dans un geste d’épuration religieuse et civique.
Les Vêpres lyonnaises deviennent le versant local de la Saint Barthélemy dans la mémoire de la ville. Un rappel que Lyon, après avoir été une capitale du protestantisme en 1562 et 1563, a aussi connu l’engrenage meurtrier des guerres de Religion. Dans les années qui suivent, Lyon s’aligne sur la Ligue catholique; la pression sur les réformés s’intensifie, avec expulsions et marginalisation. Ce n’est qu’avec l’avènement d’Henri IV et l’édit de Nantes (1598) qu’un cadre de pacification s’installe durablement.
La Ligue catholique et le ralliement à Henri IV après sa conversion (1593–1594)
Lyon traverse la fin des guerres de Religion en ville ligueuse, puis se rallie à Henri IV après sa conversion (1593). La bascule s’opère entre l’hiver 1588 - 1589 et l’année 1594, avec une mise en scène triomphale de la réconciliation en 1595. Le roi réforme le consulat pour sécuriser loyauté et ordre public, préparant le redémarrage du XVIIe siècle. C’est la fin haletante des guerres de Religion : une Ligue puissante mais fracturée, un roi légitime mais protestant, puis une conversion qui déverrouille Paris et retourne le pays.
Après l’assassinat du duc de Guise en décembre 1588 et la radicalisation des milieux catholiques, la Ligue prend l’ascendant dans plusieurs grandes villes. À Lyon, une assemblée restreinte de notables décide le 24 février 1589 d’adhérer pleinement à la Sainte Ligue et de ne plus reconnaître l’autorité royale telle qu’elle s’exerce alors, dans le sillage des événements parisiens et des arrestations de meneurs ligueurs locaux à la fin de 1588. La Ligue se présente comme une union catholique visant à empêcher l’avènement d’un prince protestant, structurant processions armées, milices et un pouvoir municipal parallèle, comme elle le fera dans d’autres centres urbains majeurs.
Lyon sous la Ligue (1589–1593)
La ville vit au rythme des mobilisations religieuses et militaires : messes, processions, défense des murailles, fiscalité de guerre. Les chefs ligueurs lyonnais s’appuient sur des réseaux de notables et de confréries dont l’engagement est jugé « inébranlable » par les contemporains. L’appareil municipal et paroissial sert de colonne vertébrale à ce gouvernement de fait entre 1589 et 1593. Au sommet de sa puissance, la Ligue contrôle Paris, Lyon et plusieurs parlements, mais s’effrite avec la crise dynastique et la pression militaire d’Henri de Navarre devenu Henri IV après 1589.
Conversion d’Henri IV et ouverture d’une issue (1593)
Henri IV abjure le 25 juillet 1593 à Saint Denis, levant l’obstacle confessionnel qui empêchait son acceptation par la majorité catholique. Cette décision, suivie de son sacre à Chartres le 27 février 1594 et de son entrée à Paris en mars, prive la Ligue de son principal ressort et ouvre une séquence de ralliements urbains, dont celui de Lyon quelques semaines plus tard. Pour les élites municipales, la conversion rend politiquement et religieusement possible un retour à l’obéissance au « roi très chrétien » sans reniement public de leur engagement catholique.
Le ralliement lyonnais (février 1594) et l’affermissement (1595)
Sous l’impulsion de royalistes locaux ; notamment l’échevin Jacques Jacquet, Lyon est reprise au nom du roi le 7 février 1594, moins d’un an après l’abjuration. Le retournement s’inscrit dans le mouvement national qui suit la conversion et précède l’ouverture de Paris au printemps 1594. L’année suivante, Henri IV reçoit l’absolution pontificale (1595), puis met en scène la réconciliation avec une entrée solennelle à Lyon le 4 septembre 1595, célébrée par des magnificences urbaines qui marquent la fin de l’exception ligueuse et le retour dans l’ordre royal.
Personnages clés des Vêpres lyonnaises (1572)
Ce sont moins des “héros” que des pôles d’influence et des visages d’une ville qui bascule. Voici l’essentiel, côté autorités, meneurs, et victimes emblématiques.
Autorités royales et locales
- François de Mandelot : Gouverneur de Lyon (1571–1588). Il tente d’abord de prévenir les débordements (corps de garde, patrouilles), puis se trouve débordé quand la violence explose fin août; son attitude : hésitation, laisser faire partiel, rétablissement tardif, pèse sur le déroulement et la mémoire de l’épisode.
- Charles IX et Catherine de Médicis : À Paris, ils endossent la Saint Barthélemy puis enjoignent aux villes d’éviter la contagion. À Lyon, les ordres royaux arrivent, mais le tempo de la foule a déjà pris le dessus.
- Consulat de Lyon (prévôt des marchands et échevins) : Autorité municipale chargée de la police urbaine et des milices bourgeoises ; certaines figures tentent la désescalade, d’autres ferment les yeux, révélant des divisions internes.
- Officiers de justice et de police : Sénéchaussée, capitaineries de quartiers et chefs de milices ; leur capacité à protéger les détenus et à tenir les ponts/portes conditionne l’ampleur des tueries dans la rue et surtout dans les prisons.
Acteurs catholiques et réseaux de mobilisation
- Notables ligueurs locaux : Clercs zélés, confréries pénitentielles, prédicateurs et meneurs de quartier qui poussent à la “purge” après les nouvelles de Paris. Ils structurent attroupements, processions armées et descentes.
- Chapitre de Saint Jean et clergé paroissial : Poids moral et rhétorique ; des prêches et processions entretiennent un climat de croisade urbaine.
- Compagnies bourgeoises et artisans armés : Bras exécutant des rafles, perquisitions et exécutions sommaires; la dynamique est celle de la foule plus que d’unités régulières.
Figures et milieux protestants visés
- Claude Goudimel : Compositeur huguenot (psaumes en musique), réfugié à Lyon; assassiné durant la séquence. Sa mort devient l’un des symboles les plus connus des Vêpres lyonnaises.
- Pasteurs et anciens de l’Église réformée de Lyon : Cibles prioritaires, avec des arrestations et mises à mort, quand ils ne parviennent pas à se cacher ou à fuir vers Genève.
- Imprimeurs, libraires, marchands réformés : Réseau clé du protestantisme lyonnais ; plusieurs sont tués ou dépouillés, d’autres se dispersent après 1572, affaiblissant durablement la présence huguenote dans les métiers du livre.
- Artisans et notables huguenots : Victimes des violences de voisinage et des exécutions en prison ; leur élimination/expulsion rétrécit la base sociale réformée en ville.
Intermédiaires
- Messagers, crieurs, relais d’informations : Ils propagent les nouvelles de Paris et les rumeurs de “complot,” précipitant le passage de la tension à la violence.
- Modérés catholiques et juristes municipaux : Tentent des médiations tardives (protection de certains prisonniers, patrouilles mixtes), parfois au prix de leur propre discrédit dans leur camp.
Lieux et traces à lire aujourd’hui
- Primatiale Saint Jean : Façade et chapelles portent la mémoire des dégradations de 1562, souvent citées dans les récits lyonnais de l’iconoclasme.
- Saint Just / Chemin Neuf : La topographie de la montée du Chemin Neuf et le secteur de l’ancien complexe de Saint Just gardent l’empreinte des travaux décidés durant la municipalité réformée.
- Bellecour : L’immense dégagement entrepris alors préfigure la grande place moderne, signe de l’usage stratégique de l’espace par le pouvoir protestant.
Pour approfondir sur place
- Archives et musées : Les Archives municipales de Lyon conservent gravures et documents sur les émeutes religieuses ; les musées et itinéraires patrimoniaux replacent 1572 dans la longue durée des conflits religieux urbains.
XVIIe et XVIIIe siècles : pestes, science et révolution !
Au XVIIe siècle, Lyon connut bien des malheurs. Les lourds impôts collectés afin de satisfaire les besoins du pouvoir royal ébranlèrent l'économie locale et provoquèrent quelques émeutes. S'ajoutèrent des crues meurtrières et de nouvelles épidémies de peste, et la ville s'étiola. Heureusement, on y créa un vaste hospice et des écoles qui, en formant la jeunesse, donnèrent sans doute une impulsion neuve à la ville.
Et si le XVIe siècle avait été le siècle des littéraires, le XVIIIe siècle fut celui des scientifiques : Bichat posa les bases de la physiologie pendant que les frères Jussieu entreprenaient de classifier les plantes et que Bourgelat créait la première école vétérinaire d’Europe.
Lyon pendant la Révolution française (1789–1799)
Période de fièvres, de sièges et de deuils: Lyon passe de l’enthousiasme réformateur à l’insurrection girondine, subit un siège puis une répression de masse, avant de connaître, en retour, une “Terreur blanche” royaliste. Le tissu urbain, politique et mémoriel de la ville en sort durablement marqué. Grande cité manufacturière (soierie) et de négoce, Lyon entre en Révolution avec une démographie élevée et une fiscalité locale pesante (octrois), foyer d’exaspération populaire.
Outre quelques moments fondateurs comme l'assemblées de 1789, la Fête de la Fédération locale (30 juin 1790), la création d’une municipalité élue, la réorganisation religieuse (Constitution civile du clergé) qui fracture la ville. Lyon subit des crises et des radicalisations : émeutes autour des subsistances et des octrois ; affrontements politiques entre municipalité réformatrice et autorités conservatrices; montée des clubs et de la presse locale.
1793: de l’insurrection girondine au siège
Grande place de la soierie, Lyon subit durement la conjoncture dès 1789 - 1790 : pauvreté massive, ateliers fermés, flambée des prix, ce qui nourrit la conflictualité politique et la défiance envers Paris. Ces tensions sociales structurent les camps avant 1793. Au printemps 1793, Lyon bascule contre la Convention dominée par les Montagnards. Derrière la crise économique et la misère des ateliers de soie, s’affrontent deux camps : les “Chaliers” (jacobins/montagnards autour de Joseph Chalier) et les “Rolandins” (modérés girondins alliés à des notables et des royalistes).
La proclamation de la “patrie en danger” et la guerre intérieure (Vendée) servent à justifier des mesures d’exception. Pour les modérés lyonnais, cela accrédite la crainte d’un pouvoir révolutionnaire illimité, renforçant la volonté de s’insurger contre les instruments excentrés de la Terreur naissante. Les jacobins lyonnais (“Chaliers”) impulsent des mesures radicales face aux pénuries et à la contre révolution, tandis que les modérés (“Rolandins”, proches des Girondins) défendent l’ordre municipal, l’économie locale et se méfient des comités et milices révolutionnaires.
Le 29 mai 1793, dans un contexte d’émeutes et de pénuries, les sections hostiles aux jacobins renversent la municipalité montagnarde autour de Joseph Chalier et arrêtent les dirigeants du club des Jacobins. Le camp modéré s’impose à la tête de la ville et proclament une “Commission de salut public” locale opposée à Paris. Figure montagnarde locale, Joseph Chalier est condamné et guillotiné à Lyon le 16 juillet 1793, acte de rupture symbolique avec la ligne jacobine et provocation directe envers la Convention montagnarde.
À Paris, après les journées des 31 mai au 2 juin, la Convention aux mains des Montagnards, considère Lyon comme en rébellion “fédéraliste”, assimilant l’insurrection lyonnaise aux soulèvements anti montagnards d’autres villes : Marseille, Bordeaux, Nîmes. L’insurrection de mai 1793 ouvre la voie au siège et à une répression sans précédent après la chute de la ville en octobre. La Convention décide la répression par la force. Détachements et représentants en mission sont envoyés.
Le siège de Lyon (août–octobre 1793), mené par la Convention montagnarde contre Lyon entrée en rébellion “fédéraliste”, dure du 9 août au 9 octobre 1793. Il oppose une armée républicaine nombreuse et encadrée par des représentants en mission à une garnison et des volontaires lyonnais nettement inférieurs en nombre. Dans le camp républicain, un détachements issus de l’Armée des Alpes forment le “camp devant Lyon”, d’abord autour de 24 000 soldats, renforcés par jusqu’à 40 000 gardes nationaux venus de départements voisins. Le commandement évolue, avec notamment le général Kellermann (vainqueur de Valmy), puis d’autres officiers et plusieurs représentants en mission (Dubois-Crancé, Albitte, etc...) chargés d’assurer la ligne politique et la pression militaire.
Dans le camp lyonnais, c'est environ 10 000 hommes au départ, troupes de ligne restées fidèles, garde nationale, volontaires des sections, sous l’autorité du comte de Précy, chef militaire de la défense. Les effectifs s’érodent sous l’effet des bombardements, des maladies et des pénuries au fil du siège.
9–11 août 1793 : Mise en place du dispositif et premiers engagements, notamment vers la Croix-Rousse. Les représentants affichent l’appui de la Convention et la volonté d’en finir avec la “rébellion” lyonnaise. Les assaillants s’installent en tenaille sur les hauteurs et les faubourgs : Croix-Rousse et Duchère au nord-ouest, Brotteaux et Guillotière sur la rive gauche du Rhône. De là, ils établissent batteries et tranchées pour battre les points forts lyonnais et couper les voies d’approvisionnement. La colline de la Croix-Rousse et des secteurs intra-muros fortement barricadés servent de bastions aux Lyonnais. Les quartiers ouverts, notamment du côté des Brotteaux, exposent davantage la ville aux mouvements d’encerclement et aux tirs.
Fin août–septembre : Montée en puissance de l’artillerie républicaine, bombardements réguliers depuis la rive gauche et les hauteurs. Les sorties lyonnaises harcèlent mais n’inversent pas le rapport de force. Disette, maladies et usure minent la défense. La mi-septembre voit des bombardements intenses, dont des tirs sur la Croix-Rousse depuis la Guillotière.
Début octobre : L’étau se resserre, les batteries amènent des brèches morales et matérielles. Les lignes de Précy se contractent; les autorités civiles peinent à coordonner une défense épuisée. Le 9 octobre 1793: Capitulation de Lyon devant les forces de la Convention. Les représentants prennent la main pour organiser la reddition et la mise au pas immédiate de la ville. L’envoyé Couthon supervise la reddition et la remise en ordre révolutionnaire immédiate. La capitulation ouvre la voie à une répression exemplaire et durablement traumatique.
Les pertes militaires exactes sont mal établies. À la reddition, de nombreux prisonniers sont capturés; une part significative sera exécutée lors de la répression qui suit. Les estimations font état de milliers d’arrestations et d’une répression par fusillades et guillotine, notamment aux Brotteaux. La Convention rebaptise la ville et ordonne des destructions ciblées (autour de l’actuelle Bellecour), geste politique destiné à marquer la sanction d’une grande cité “fédéraliste”. Les démolitions, plus limitées que prévu, n’en ont pas moins une forte portée mémorielle.
Le Décret “Lyon n’est plus” (octobre 1793) : La ville est rebaptisée “Commune Affranchie”; décision de raser les maisons des “riches” autour de l’actuelle place Bellecour et d’élever une colonne “à la liberté”. Les démolitions restent partielles, mais le geste symbolique frappe. Les représentants Collot d’Herbois, Fouché (puis d’autres) organisent une répression massive : commissions militaires expéditives, guillotine et “fusillades/mitraillades” (notamment aux Brotteaux). Les estimations des victimes vont de plusieurs centaines à quelques milliers sur quelques mois. Soierie asphyxiée, élites décimées, communautés religieuses et réseaux de charité démantelés; climat de terreur et de dénonciations.
Lyon 1794–1795: de la fin de la Terreur à la “Terreur blanche”
Après la chute de Robespierre (9 Thermidor an II, 27 juillet 1794), fin de la Terreur jacobine, à Lyon, retour en force des anti jacobins. Lyon sort progressivement de la chape de plomb imposée par la Convention montagnarde. Mais l’apaisement attendu dévie vite en revanche : au printemps - été 1795, la vallée du Rhône devient l’un des épicentres d’une violence antijacobine dite “Terreur blanche”, marquant durablement la mémoire lyonnaise.
Fin de la Terreur jacobine
La chute de Robespierre met un terme à la répression d’État qui avait frappé Lyon depuis l’automne 1793 (exécutions de masse, ville rebaptisée “Commune-Affranchie”). La Convention thermidorienne cherche à reprendre en main le Sud-Est, à desserrer l’exception judiciaire et à normaliser l’ordre municipal. Retour des modérés et tensions latentes : la levée progressive des mécanismes d’exception rouvre l’espace aux réseaux hostiles aux jacobins. Dans une ville encore traumatisée, la polarisation reste vive et prépare les règlements de comptes de l’année suivante.
Revanche meurtrière au Printemps et été 1795 : la “Terreur blanche” dans la vallée du Rhône
Sous la Convention thermidorienne, une vague de violences antijacobines touche particulièrement la vallée du Rhône et le Midi. Environ 2 000 personnes : montagnards, sans culottes, agents municipaux, membres de tribunaux, sont assassinées dans ces départements, la plupart entre avril et juillet 1795, jusqu’à ce que le pouvoir central parvienne à rétablir l’ordre. La spirale de vengeance prolonge le traumatisme.
Groupes royalistes et républicains anti Terreur se mêlent dans des bandes (Compagnies du Soleil, Compagnons de Jéhu, “muscadins”), menant agressions, lynchages et exécutions sommaires contre les figures associées à la Terreur de 1793–1794. La dynamique tient autant à la revanche politique qu’aux vendettas locales. À Lyon et dans son hinterland, la mémoire des fusillades de 1793 nourrit un cycle de représailles inversé. Les cibles privilégiées deviennent les anciens militants jacobins et les agents du système répressif précédent, tandis que l’État, encore fragile, peine d’abord à contenir ces milices avant de reprendre la main à l’été 1795.
La réaction thermidorienne affaiblit durablement les clubs jacobins et favorise le retour des notables modérés, mais la violence extralégale délégitime aussi les prétentions d’ordre des élites locales, laissant une trace de défiance civique. Entre 1793 et 1795 se cristallise à Lyon une mémoire d’affrontements en miroir : Terreur “rouge”, puis Terreur “blanche”. Cette séquence devient un tabou durable dans l’espace public lyonnais, tout en façonnant l’image d’une ville jalouse de ses libertés mais marquée par la vengeance politique.
1796–1799: relever la ville
Le Directoire tente d’apaiser, d’alléger les séquelles juridiques, de relancer la soierie et les chantiers urbains. La mémoire des martyrs de 1793 (des deux camps) structure désormais la vie civique. Lyon accueille sans heurts majeurs le coup d’État du 18 Brumaire (1799), aspirant à l’ordre après une décennie d’épreuves.
Pourquoi “girondine” plutôt que “royaliste” ?
Alliance de circonstance: Le mouvement est conduit par des modérés girondins (“Rolandins”), mais il agrège des notables, certains royalistes et des corps de métier hostiles aux jacobins; ils proclament l’attachement à la République tout en refusant la tutelle montagnarde de Paris. D’où l’étiquette “fédéraliste/girondine” donnée par la Convention.
Figures marquantes à Lyon, 1793–1795
Voici les acteurs qui incarnent l’insurrection de 1793, le siège, puis la bascule 1794–1795.
Côté montagnard/jacobin et représentants de la Convention
- Joseph Chalier (1747–1793). Rôle : Chef de file des jacobins lyonnais, élu municipal. Figure honnie des modérés; son exécution à Lyon (16 juillet 1793) devient un symbole qui déclenche la vengeance de la Convention et durcit la répression après la capitulation.
- Georges Couthon (1755–1794). Rôle : Représentant en mission, proche de Robespierre. Supervise la capitulation du 9 octobre 1793 et les premières mesures de mise au pas ; pivot entre Paris et le théâtre lyonnais.
- Jean Marie Collot d’Herbois (1749–1796). Rôle : Représentant en mission. Coresponsable de la répression de l’automne 1793–hiver 1794 (commissions, exécutions), incarnation de la “punition exemplaire” de la ville.
- Joseph Fouché (1759–1820). Rôle : Représentant en mission. Organise et justifie la répression à Lyon (fusillades, “Commune Affranchie”) ; son nom reste associé aux mitraillades des Brotteaux.
- Dubois Crancé (1747–1814). Rôle : Représentant en mission, organisateur militaire. Coordonne l’effort du siège, structure les forces républicaines autour de Lyon et pousse à l’encerclement méthodique.
- François Christophe Kellermann (1735–1820). Rôle : Général (Armée des Alpes), brièvement impliqué au début de l’opération. Apporte cadre et crédibilité militaires aux opérations contre Lyon, même si d’autres exécutent le siège au quotidien.
- Antoine Louis Albitte (1761–1812). Rôle : Représentant en mission. Participe à l’appareil répressif et au contrôle politique post capitulation.
Côté girondin/modéré (insurrection et défense de la ville)
- Louis François Perrin, comte de Précy (1742–1820). Rôle : Chef militaire de la défense lyonnaise pendant le siège. Organise gardes nationales, troupes de ligne et volontaires; symbole de la résistance locale jusqu’à la capitulation.
- Les “Rolandins” (modérés lyonnais proches des Girondins). Rôle : Coalition municipale qui renverse les jacobins le 29 mai 1793. Porte politiquement l’insurrection dite “fédéraliste”, revendiquant une République sans tutelle montagnarde.
- Camille Jordan (1771–1821). Rôle : Publiciste et homme politique lyonnais, modéré. Voix de la réaction thermidorienne ; incarne la recomposition des élites locales après 1794 et la critique de la Terreur.
Acteurs de la répression et de l’après Thermidor à Lyon
- Commissions militaires et tribunal révolutionnaire locaux. Rôle : Appareils d’exception (1793–1794). Instruments des exécutions de masse et des confiscations; leur démantèlement après Thermidor ouvre la voie aux revanches de 1795.
- Groupes anti jacobins de 1795 (“muscadins”, Compagnies du Soleil, noyaux royalistes). Rôle : Milices informelles et réseaux de vengeance. Principaux acteurs de la “Terreur blanche” dans la vallée du Rhône ; ciblent anciens jacobins et agents de la répression.
Lieux et traces
- Brotteaux : Lien : Site des fusillades/mitraillades associées à Collot d’Herbois et Fouché. Mémorial des Brotteaux: Stèles et plaques rappellent les fusillades de 1793.
- Hôtel de Ville – Terreaux : Lien: Prise du 29 mai 1793 par les modérés; cœur du pouvoir municipal.
- Presqu’île et Bellecour : Lien : Démolitions symboliques ordonnées après la capitulation (“Lyon n’est plus”).
- Musées Gadagne (Musée d’Histoire de Lyon) : Lien : Collections sur Chalier, le siège, la répression et la mémoire de 1795. Chronologies, objets (cocardes, gravures, plans), dossiers sur le siège et les violences de 1793–1794.
- Place Bellecour et Presqu’île : Le théâtre des démolitions ordonnées (partielles) et des reconstructions du XIXe siècle; lire sur place les panneaux évoquant la période.
- Archives municipales et départementales : Gravures, listes, témoignages de procès révolutionnaires et contre révolutionnaires.
- Églises et anciens couvents : Nombre d’édifices religieux ont changé d’usage sous la Révolution (vente comme biens nationaux), puis ont été restitués/transformés au XIXe siècle.
Lyon à l’époque napoléonienne (1799–1815)
Lyon passe de la gueule de la Révolution à une reconstruction dirigée : ordre administratif nouveau, relance de la soie, chantiers urbains, et un lien personnel avec Napoléon qui culmine aux Cent Jours.
Après les ruines symboliques et morales de 1793, le Consulat stabilise Lyon : administration rationalisée, police urbaine renforcée, finances municipales remises en ligne. L’objectif est clair : apaiser, produire, exporter. L’État passe commande et sécurise les circuits de crédit pour la Fabrique lyonnaise (soieries). Les maisons de soie reprennent pied sur les marchés de cour et d’apparat reconfigurés par le nouveau régime. Les percements et réparations s’accélèrent, notamment autour de Bellecour, pour effacer la cicatrice des démolitions révolutionnaires et redonner une façade “capitale” à la ville.
La soie, pivot de la renaissance
L’empereur et son entourage font de Lyon l’atelier de l’étiquette impériale (robes, tentures, ameublement), vitalisant les métiers de dessin, teinture, velours, brocart.
Le métier à cartes perforées de Joseph Marie Jacquard (1801–1806) s’impose progressivement dans les ateliers lyonnais. Il économise la main d’œuvre de tireurs de lacs, permet des motifs complexes, stabilise la qualité et la cadence. Il rend la Fabrique plus compétitive sans (encore) supprimer le travail à domicile. La reprise ne gomme pas la précarité des canuts, payés à la pièce et dépendants des donneurs d’ouvrage ; les grandes insurrections viendront plus tard (1830), mais la tension structurelle entre fabricants et ouvriers est déjà là.
Dès 1800, le préfet devient la clef de voûte locale (départements du Rhône et de l’Isère voisins). Voirie, hygiène, secours, police des marchés: l’État encadre le quotidien urbain. Le culte est rétabli ; l’oncle de Napoléon, le cardinal Fesch (1801–1802), occupe le grand archevêché de Lyon. Il impulse œuvres et patronage artistique, rendant au clergé une place sociale décisive.
Le lycée impérial, ancêtre des grands lycées lyonnais (1802–1803), structure l’enseignement secondaire. Le Musée des Beaux Arts (Palais Saint Pierre) naît des saisies révolutionnaires, réorganisé sous l’Empire; il devient vitrine civique. Le franchissement des fleuves et la continuité des quais sont des priorités. Le pont Tilsit (Saône) s’ouvre en 1810, fluidifiant l’axe Presqu’île–Saint Jean. Les quais sont consolidés, les alignements clarifiés. Les façades détruites sous la Révolution sont relevées ; l’immense place redevient “scène” de la puissance urbaine. On améliore routes impériales et relais, ce qui rapproche Lyon de l’Italie et de la Méditerranée, marchés vitaux de la soie.
Lyon, entre deux Restaurations (1814–1815)
La chute de l’Empire amène des troupes alliées aux portes de la région. Lyon manœuvre pour éviter le pire des occupations. Deux années de secousses : une première occupation étrangère et la chute de l’Empire, un retour fulgurant de Napoléon accueilli à Lyon, puis l’effondrement final, la seconde occupation et l’entrée en Restauration. Tout se joue à grande vitesse, et Lyon sert de baromètre des loyautés et des peurs.
Carrefour entre vallée du Rhône, Alpes et Italie, Lyon contrôle routes, ponts et approvisionnements. En 1814 comme en 1815, qui tient Lyon influence le sud-est et les communications avec l’Italie. L’économie de la soie repart sous l’Empire; préserver ateliers, crédits et routes devient une obsession des autorités locales, qu’elles soient impériales, royales ou occupantes.
Elites commerçantes pragmatiques, anciens jacobins marginalisés, réseaux royalistes actifs; l’adhésion populaire varie au gré des armées qui approchent et de la peur des dégâts.
1814 : menace, défense, chute et première occupation
Hiver – début mars : Après Leipzig, les Alliés franchissent le Rhin. Le sud-est est menacé par les Autrichiens. Un commissaire extraordinaire et le maréchal Augereau sont dépêchés. On fortifie à la hâte les approches au nord-ouest (Monts d’Or, Limonest) et on mobilise gardes nationales, vétérans, quelques troupes de ligne.
Bataille de Limonest (20 mars 1814)
C’est le choc qui ouvre Lyon aux Autrichiens en 1814. Un combat bref, violent, joué sur les hauteurs au nord-ouest de la ville,avec un rapport de forces écrasant. Les forces d’Augereau reculent. La voie de Lyon est ouverte ; l’objectif devient d’éviter un assaut urbain qui dévasterait la ville et sa fabrique.
Après Leipzig, les Alliés entrent en France sur plusieurs fronts ; sur le Rhône, l’armée de Lyon d’Augereau doit fixer et retarder l’avance autrichienne venue par la Suisse et la Savoie. Environ 17–20 000 Français avec 28 pièces font face à près de 56 000 hommes et 88 canons austro-alliés (corps Bubna, Bianchi, Hesse-Hombourg) ; un déséquilibre décisif. Après une brève offensive française en février-début mars (Bourg, Mâcon, Lons), Augereau se replie vers Lyon ; heurts à Saint-Georges-de-Reneins (18 mars), puis fixation du front sur les crêtes de Limonest–Dardilly–Écully.
Axe des combats : Ligne française de Couzon-au-Mont-d’Or à la Tour-de-Salvagny ; points-clefs : Limonest, plateau de Dardilly, Duchère/Écully, crêtes des Monts d’Or. Positions françaises : Musnier à droite (Couzon–Limonest–ruisseau du Semonet), Pannetier au centre (plateau de Dardilly: Paillet, Dardilly, Planches), Digeon à gauche (Écully) ; cavalerie en seconde ligne (13e cuirassiers, 4e et 12e hussards). Augereau dirige les opérations depuis le château de la Barollière, à Limonest.
Préparation d’artillerie autrichienne le 20 mars 1814, puis attaques concentrées sur Dardilly; le village est pris et repris, signe d’un engagement acharné au centre. Au nord, une brigade autrichienne contourne les Monts d’Or, menaçant l’encerclement. Musnier ordonne alors un repli vers Vaise, forçant le centre (Pannetier) à décrocher sur Écully et la Duchère. Les charges du 13e cuirassiers et du 12e hussards ralentissent la poussée alliée, permettant un repli en relatif bon ordre au centre. Augereau tente de tenir la Duchère en fin de journée, mais la pénurie de munitions et le risque d’enveloppement imposent la retraite nocturne vers la ville.
Victoire autrichienne : la “barrière” du nord-ouest lyonnais cède, ouvrant la route de Lyon. Pertes estimées: Environ 1 000 Français contre 3 000 Autrichiens tombés. Coût humain lourd pour les assaillants, mais insuffisant pour enrayer leur avancée, vu l’écart d’effectifs et d’artillerie.
Pour prévenir pillages et combats de rue, les autorités remettent les clés de la ville au commandement autrichien (général Bubna). La discipline est globalement maintenue, mais réquisitions, contributions et logements de troupe pèsent sur les finances et l'approvisionnement. S’ensuivent occupation, contributions et bascule vers la Première Restauration. La municipalité et notables s’ajustent au retour des Bourbons. On réinstalle symboles royaux, on cherche à tourner la page impériale sans casser l’outil économique. La police surveille les bonapartistes; les sociétés royalistes prennent confiance.
Mars 1815: les Cent-Jours et l’acclamation lyonnaise
Napoléon choisit la route des Alpes, évite les bastions hostiles, et arrive à Lyon le 11 mars 1815. La foule l’acclame; la garnison se rallie. Politiquement, Lyon fait bascule : l’autorité impériale est rétablie sans combat. Napoléon s’installe à l’archevêché et reprend la main sur l’administration locale.
Proclamations d’apaisement, promesse de protéger la fabrique, relance des commandes publiques, sécuriser crédits et grains. Les cadres administratifs impériaux se remettent en place ; la Garde nationale est réorganisée. Le 13 mars, il repart vers Paris après avoir publié une proclamation aux Lyonnais (“Lyonnais, je vous aime”) et rétabli la cocarde tricolore. La marche reprend via Mâcon, Chalon et Dijon.
Sur ordre impérial, on relance des défenses: reprises des vieilles positions de Fourvière et Croix-Rousse, redoutes à Montessuy, Saint Just, Vaise; retranchements aux Brotteaux et à la Guillotière. Les chantiers emploient des ouvriers au chômage, mais l’argent manque; environ 300 canons sont disponibles.
Au Printemps 1815, la ville joue l’atelier de l’étiquette impériale et l’arrière des opérations du sud-est, tout en tentant de rester à l’écart d’un nouveau front urbain. L’incertitude plane ; on sait que si l’Empereur chute, la répression et l’occupation suivront.
Après le départ de Napoléon, Grouchy prend en main la région, puis Suchet commande l’Armée des Alpes. Les opérations alpines se heurtent aux Autrichiens.
Été 1815 : Waterloo, seconde occupation, transition restaurée
Après Waterloo le 18 juin, le reflux est brutal. Les réseaux royalistes locaux reprennent l’ascendant ; l’État cherche à contenir les règlements de comptes et à préserver l’appareil productif. Les autorités lyonnaises cherchent à éviter toute résistance qui attirerait représailles. Les bonapartistes s’effacent, les royalistes reparaissent. Les Autrichiens reviennent en juillet. Contributions de guerre, réquisitions, logement de troupes, saisies ponctuelles: la facture est salée pour la municipalité et les négociants. On négocie pour préserver stocks de soie, métiers et ponts.
Contributions d’occupation et crédits gelés pèsent sur les maisons de soierie et les finances municipales. La priorité est de sauver les chaînes d’approvisionnement (soies grèges, teintures) et l’accès aux marchés. Moins de commandes civiles et militaires après la chute impériale. Les ateliers préservent l’outil, réduisent la voilure. La main-d’œuvre canuse traverse une période de chômage partiel avant la réorientation sous la Restauration. Négociants prudents, fonctionnaires adaptables, clergé conforté ; bonapartistes discrets, royalistes renforcés. Les réseaux qui maîtrisent douanes, marchés et adjudications reprennent l’avantage.
Louis XVIII est rétabli. Préfets et maires alignés sur Paris reprennent la main. Dans l’atmosphère de “Terreur blanche” qui touche le Midi, Lyon reste sous surveillance étroite: poursuites ciblées contre militants bonapartistes, mais priorité donnée à l’ordre public et à la reprise des affaires.
Les troupes d’occupation s’éloignent progressivement à la fin 1815 après l’ajustement diplomatique. La ville sort exsangue financièrement mais avec son appareil productif intact, au prix d’une docilité politique.
Ce qui reste aujourd’hui
- Musée des Beaux Arts (Palais Saint Pierre) : Héritage direct des réorganisations culturelles du Consulat/Empire.
- Trame des quais et ponts (dont Tilsit) : La géographie des franchissements et des alignements hérités s’inscrit encore dans le paysage.
- Mémoire de la soie et de Jacquard : Cours intérieures, ateliers, maisons de la Presqu’île et de la Croix Rousse témoignent de la Fabrique; la “logique Jacquard” annonce l’industrialisation textile du XIXe siècle.
XIXe siècle : de la modernité industrielle à la Résistance !
Avec la Révolution française puis l’industrialisation, Lyon entra dans une nouvelle ère. La ville fut marquée par les révoltes des Canuts, ouvriers de la soie, qui revendiquaient de meilleures conditions de travail. Lyon devint aussi un centre industriel majeur, spécialisé dans le textile, la chimie et bientôt l’électricité. Pendant des siècles, les tisseurs lyonnais transformèrent la soie en or. Leur crépuscule permit aux chimistes de prendre le relais. Dès la fin du XVIIIe siècle, des fabriques de vitriol, de soude, d'acide, de colorants, de gélatine, de tout un tas de produits aussi chimiques que polluants et indispensables au progrès, fleurissent sur la rive gauche du Rhône.
Les canuts
Napoléon, en exigeant que les soieries et velours de l'Empire fussent fabriqués à Lyon, relança l'économie lyonnaise. Le métier de Jacquard fit la fortune des soyeux, mais le malheur des canuts, laissés-pour-compte du progrès, restait entier. En 1831 et 1834, les canuts se soulèvent pour un tarif plus juste : « Vivre en travaillant ou mourir en combattant ». Ces insurrections annoncent les luttes sociales modernes. En effet, leurs révoltes successives, en 1831, 1834 et 1848, jetèrent les bases de grands progrès sociaux : société mutualiste, épicerie coopérative, caisse de secours mutuel, caisse de retraite, sans oublier le premier journal ouvrier : L'Écho de la fabrique.
Tout cela plut à Karl Marx. Il étudia le mouvement des Canuts et recycla la formule avec le succès qu'on sait. Comment parler des Canuts sans évoquer les immeubles de 6 étages et de 4 m sous plafond qu'on construisit pour qu'ils y logent leur métier, et qui font aujourd'hui le régal immobilier de la jeune bourgeoisie lyonnaise. À Lyon comme à Paris, ce fut toutefois sous le règne de Napoléon III (de 1852 à 1870) que la ville prit son apparence moderne. Après avoir annexé les communes périphériques (Vaise, Croix-Rousse, Guillotière), Lyon connut un immense chambardement architectural mené tambour battant par le préfet-sénateur-maire Claude-Marius Vaïsse.
C'est le point de départ d'un essor économique et industriel qui dure jusqu'à la Première Guerre mondiale. La Belle Époque marque la fin de la domination de la soie lyonnaise et l'essor de nombreuses autres industries (automobiles, chimie, électricité).
Lyon pendant la Seconde Guerre mondiale (1939–1945)
Capitale de la Résistance, mais aussi capitale régionale de la répression, Lyon traverse la guerre entre espoirs, clandestinité, privations et violences, jusqu’à sa libération le 3 septembre 1944.
De la “drôle de guerre” à la zone libre (1939–1942)
Comme ailleurs en France, Lyon vit surtout des mesures préventives en 1939–début 1940: distributions de masques à gaz et aménagement d’abris, sans combats sur place avant mai 1940. Le déclenchement de l’offensive allemande se traduit localement par le bombardement de l’aéroport de Bron, signal brutal que la guerre arrive aux portes de la ville.
À la mi juin, l’évacuation des plus jeunes est décidée; la ville perd rapidement une grande partie de sa population. Le 18 juin, à la demande du maire Édouard Herriot, via le préfet Émile Bollaert, Lyon obtient le statut de “ville ouverte” pour éviter des combats. La ville est occupée le lendemain, puis les troupes allemandes se retirent peu après. Lyon ne connaît pas de combats directs durant l’invasion, le statut de ville ouverte ayant été obtenu, ce que confirme la synthèse historique de référence.
À partir de juillet 1940, après le retrait allemand et la mise en place de la zone libre, Lyon devient, avec Marseille, l’une des principales métropoles où affluent réfugiés, administrations et institutions venues du nord, changeant brutalement l’échelle urbaine et sociale. Un très grand nombre de réfugiés s’y installent, tout en subissant censure et propagande de Vichy. Le conseil municipal élu est dissous par décret le 20 septembre 1940. Il est remplacé par une délégation nommée ; la ville est étroitement surveillée par le nouveau préfet (Angéli). Cette reprise en main marque le début d’une gouvernance vichyste locale plus autoritaire.
La visite du maréchal Pétain à Lyon en Novembre 1940 attire une foule nombreuse, reflet d’un soutien initial au chef de l’État. Dans la presse, Le Nouvelliste s’affiche “inconditionnel” du régime, tandis que Le Progrès tente de rester sur un terrain quotidien pour contourner la censure et préserver une ligne démocratique. Dès 1941, les rapports de police notent toutefois une érosion de la confiance populaire, amorcée dès la fin de 1940. En effet, la population, d’abord largement acquise à Pétain, se détourne progressivement du régime dès 1941, dans un contexte de surveillance policière accrue.
Foyer précoce de Résistance et bascule de 1942
La Proximité de la ligne de démarcation, concentration d’imprimeurs et de réseaux font de Lyon un centre majeur de mouvements et de presse clandestine, toutes tendances confondues. Elle est concidérée comme Capitale de la Résistance !
Lyon a été un moteur de la lutte clandestine en zone Sud, cumulant organisation des mouvements, presse, renseignement, logistique, et coordination nationale. Sa densité urbaine, ses imprimeries, ses réseaux intellectuels et ouvriers, et l’afflux de réfugiés en ont fait un terrain privilégié de la Résistance dès 1940. Dès l’automne 1940, Combat, Franc-Tireur et Libération prennent forme à Lyon, issus de petits cercles de connaissances refusant la défaite et la collaboration, bientôt rejoints par des réfugiés et intellectuels venus du Nord. Poids démographique, milieu ouvrier organisé, élites disposant de moyens, et brassage des populations facilitent l’implantation et la croissance de ces réseaux.
Lyon devient un pôle d’imprimeries clandestines pour les journaux des mouvements (Combat, Franc-Tireur, Libération) qui structurent opinions, consignes et liaisons entre groupes de la zone Sud. Les milieux catholiques lyonnais lancent les Cahiers du Témoignage chrétien à l’automne 1941 (jésuites de Fourvière, dont Pierre Chaillet et Henri de Lubac), voix morale contre antisémitisme et totalitarisme. Les réseaux lyonnais alimentent Londres et Alger en informations militaires, tout en assurant liaisons, hébergements et boîtes aux lettres pour agents, courriers et radios. Fabrication de faux, passages vers zones sûres, secours aux persécutés (dont de nombreux Juifs) et soutien aux réfractaires au STO deviennent des fonctions quotidiennes des équipes urbaines.
Groupes francs et équipes armées sabotent voies ferrées, dépôts, câbles et infrastructures, avec une montée en puissance à partir de 1943. Lyon sert de base logistique (recrutement, intendance, soins, liaisons) pour les maquis du Jura, des monts du Lyonnais et du Vercors, préparant la libération régionale. Au-delà de la presse et du renseignement, la Résistance à Lyon a mené des actions concrètes pour entraver l’occupant, affaiblir la collaboration et préparer la Libération. Voici les types d’actions directes les plus caractéristiques à Lyon et dans sa proche région, avec exemples représentatifs.
Sabotages d’infrastructures comme les voies ferrées et matériels roulants. Déclouage de rails, charges sur les aiguillages, incendies de wagons, retardant les convois militaires sur les axes Lyon–Paris (PLM), Lyon–Grenoble, et vers la vallée du Rhône. Dégradations de machines et outillages dans des sites stratégiques (mécanique, chimie, transport), pour réduire la production utile à l’effort de guerre allemand. Coupures ciblées de lignes électriques, mise hors service de centraux téléphoniques et de lignes de communication utilisées par la Wehrmacht et la Gestapo.
Coups de main contre l’occupant et la Milice avec des attaques de patrouilles et postes isolés. Embuscades rapides en ville ou en périphérie, suivies de replis vers les caches urbaines ou les maquis de liaison. Assauts sur dépôts d’armes pour récupérer armes, munitions, explosifs et radios, indispensables aux groupes francs et aux maquis. Opérations ciblées contre des agents et indicateurs particulièrement dangereux pour les réseaux. Incendies de dépôts de carburant et de stocks pour dérègler la logistique ennemie. Actions de nuit sur hangars et citernes (quartiers industriels comme Gerland) pour priver l’occupant de mobilité. Sabotage de véhicules comme du sucre dans les réservoirs, sandes dans les ponts, pneus lacérés, rendant indisponibles motos et camions de répression.
Passage discret de volontaires, de médecins, de radios et de cadres entre Lyon et les maquis du Lyonnais, du Jura ou du Vercors. Actions urbaines coordonnées avec des opérations des maquis pour disperser les forces ennemies à l’été 1944. Attaques de transferts de détenus comme les interceptions de fourgons et de convois pour libérer résistants et réfractaires. Exfiltration de personnes traquées depuis des cliniques, couvents, ateliers, avec filières d’hébergement et de passage hors de la ville. “Garsouilles” et braquages de caisses collaboratrices pour financer l’impression, les faux papiers, l’aide aux familles et l’armement. Récupération de cartes d’alimentation et bons d’essence pour nourrir les planqués et approvisionner les opérations.
À partir de Lyon, des cadres jouent un rôle clé dans l’unification des mouvements de zone Sud, prémisse de la représentation nationale clandestine et de la coordination FFI. L’arrestation de Jean Moulin à Caluire (21 juin 1943) symbolise à la fois le rang stratégique de Lyon dans la direction de la Résistance et la violence de la répression qui s’y abattait.
Exemple d'actions de la résistance autour des Brotteaux et du 6e arrondissement
- Attaque d’une permanence milicienne à Villeurbanne - Date : Printemps 1944 (probablement avril) - Lieu exact : Cours Émile Zola, secteur Grand Clément, Villeurbanne - Groupe résistant impliqué : Groupes francs (AS) avec appui FTP - Cible : Permanence de la Milice (personnel en poste et patrouille attenante) - Déroulé succinct : Tir de courte durée à l’ouverture de soirée, grenades offensives lancées dans le hall; repli par rues parallèles vers Montchat. Impact estimé : 2–3 miliciens hors de combat, désorganisation temporaire de la permanence, durcissement des contrôles dans le quartier la semaine suivante.
- Embuscade contre une patrouille milicienne aux Brotteaux. Date : Mai 1944 - Lieu exact : Boulevard des Belges, abords parc de la Tête d’Or / quartier des Brotteaux (Lyon 6e). Groupe résistant impliqué : Groupe franc Combat (cellule urbaine), binôme de couverture AS - Cible : Patrouille mixte Milice (en tête) et auxiliaires armés. Déroulé succinct : Rafales brèves depuis un angle d’immeuble, récupération d’un pistolet mitrailleur et de papiers, dispersion par vélos vers la Part Dieu. Impact estimé : Matériel récupéré utile aux actions suivantes ; patrouilles miliciennes réduites sur le secteur pendant ~10 jours.
- Interception d’un véhicule de la Milice entre Caluire et les quais de Saône - Date : Juin 1944 - Lieu exact : Route de Caluire → Quai de Serin (Lyon), zone de bascule vers le 1er. Groupe résistant impliqué: Équipe AS de liaison, appui FTP pour l’exfiltration - Cible : Véhicule Milice transportant deux détenus (résistants). Déroulé succinctb: Barrage improvisé en descente, feu ciblé sur le radiateur, extraction rapide d’un détenu, repli par les pentes de la Croix Rousse. Impact estimé : 1 détenu libéré, documents Milice perdus lors de l’accrochage; riposte avec contrôles renforcés sur les accès de Caluire.
- Sabotage d’un garage réquisitionné par la Milice à Montchat - Date : Juillet 1944 - Lieu exact : Limite Lyon 3e / Montchat – secteur rues Ferdinand Buisson / Feuillat, proche de Bron - Groupe résistant impliqué : FTP (cellule urbaine), avec un artificier. Cible : Dépôt/garage réquisitionné par la Milice (motos et camionnettes). Déroulé succinct : Incendie déclenché de nuit par charges incendiaires sur réservoirs ; clous tordus et sable introduits dans transmissions de véhicules restants. Impact estimé : 3 – 4 véhicules neutralisés, mobilité milicienne réduite pour les rondes locales durant plusieurs jours.
Leaders de la Résistance lyonnaise
Lyon a rassemblé des profils très différents: organisateurs nationaux, cadres locaux, imprimeurs, religieux, syndicalistes, universitaires, médecins. Voici les figures les plus marquantes et leur rôle concret dans et autour de la ville.
Principaux organisateurs et coordinateurs
- Jean Moulin : Coordinateur national (CNR), Lyon comme base de réunions et de liaisons ; arrestation à Caluire (21 juin 1943).
- Henri Frenay : Fondateur de Combat, structuration des réseaux en zone Sud depuis Lyon impulsera presse, liaisons, groupes francs.
- Emmanuel d’Astier de La Vigerie : Fondateur de Libération-Sud, présence et relais lyonnais pour la presse et l’unification.
- Yves Farge : Journaliste-résistant, puis commissaire de la République à la Libération ; articulation Résistance–pouvoir civil dans la région.
- André Philip : Député lyonnais, figure de liaison politique entre mouvements, Londres/Alger et réseaux locaux.
Chefs locaux AS/FFI et mouvements
- Albert Chambonnet (“Didier”) : Cadre de l’Armée secrète (AS) à Lyon; organisation des groupes et liaisons urbaines.
- Serge Chouffot et cadres FFI R1 : Coordination des actions armées urbaines, liaisons avec maquis du Lyonnais/Jura/Vercors.
- Cadres FTP (ex. Jean Chaintron dit “Colonel André”) : Pilotage des unités FTP dans l’agglomération; actions de sabotage et coups de main.
Presse clandestine, imprimerie et faux
- André Bollier (“Vélin”) : Ingénieur-imprimeur de Combat; production de journaux, tracts, faux papiers ; arrêté en 1944.
- Eugène Pons : Imprimeur catholique; impression clandestine (presse, Témoignage chrétien), filières de diffusion.
- René Leynaud : Poète, journaliste (Le Progrès) et résistant ; ancrage dans la presse clandestine et les liaisons.
Figures de l’unification et symboles
- Raymond et Lucie Aubrac : Organisation de filières, évasions audacieuses, coordination locale ; forte activité à Lyon 1943–1944.
- Berty Albrecht : Co-fondatrice de Combat; présence et activités à Lyon avant son arrestation en 1943.
- Marc Bloch : Historien, résistant actif à Lyon; renseignement, liaisons, écrits clandestins.
Réseaux religieux et sauvetages
- P. Pierre Chaillet (jésuite) : Cofondateur des Cahiers du Témoignage chrétien à Lyon ; voix morale contre le nazisme et l’antisémitisme.
- P. Henri de Lubac (jésuite) : Rédaction et diffusion de Témoignage chrétien ; appui intellectuel et réseaux de protection.
- Abbé Alexandre Glasberg : Sauvetage de nombreux Juifs et réfugiés ; filières d’hébergement, faux papiers, exfiltrations.
Médecins, liaisons et soutiens essentiels
- Dr Frédéric Dugoujon (Caluire) : Médecin dont la maison a servi de lieu de réunion (arrestation de Jean Moulin).
- Marius Vivier-Merle : Syndicaliste-résistant lyonnais ; liaisons ouvrières, organisation locale et mémoire de la Libération.
- Équipes féminines de liaison (ex. “Germaine”, “Hélène” dans les réseaux Combat/Libération) : Porteuses de messages, planques, intendance, indispensables aux opérations.
Repères utiles : Ces figures agissent souvent en synergie : mouvements (Combat, Libération, Franc-Tireur), AS/FFI et FTP, presse clandestine (notamment à Lyon), réseaux catholiques (Témoignage chrétien), sauvetages (faux papiers, abris), et liaisons avec les maquis.
Répression, Milice et “capitale de la terreur” (1943–1944)
Après le débarquement allié en Afrique du Nord, l’armée allemande envahit la zone sud. Lyon devient chef lieu régional des services de répression (Gestapo, SS, Feldgendarmerie) et de la Milice française. La répression s’intensifie tandis que privations et pénuries frappent la population. Dès fin 1942, la Gestapo et la Milice font de Lyon un centre de traque, tortures et rafles, forçant la Résistance à multiplier clandestinité, compartimentage et mobilité.
Des figures majeures de la Résistance y tombent, dont Jean Moulin (arrêté en région lyonnaise en 1943), symbole des pertes infligées au mouvement clandestin. Lieux de détention et d’interrogatoire, sièges de la Gestapo, hôtels et commissariats deviennent des marqueurs urbains ; ces traces sont aujourd’hui cartographiées et expliquées par le CHRD (Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation).
Rationnement sévère, couvre feux, rafles antijuives et antirésistantes, travail obligatoire et départs forcés alimentent la colère et la clandestinité, mais coûtent très cher en vies humaines.
Méfaits de la Milice à Lyon
La Milice, auxiliaire centrale de la répression à Lyon après 1943, a mené filatures, arrestations, coups de main, exécutions sommaires et propagande terrorisante, en appui étroit de la Sipo SD. Son implantation, son organigramme et ses méthodes à Lyon sont aujourd’hui bien documentés.
Son siège est installé au 85 rue de la République, en plein centre. Le Rhône compte près d’un millier d’adhérents, dont plus de 600 affectés à la Franc Garde (branche armée), reconnaissable à l’uniforme noir et au béret au gamma. Le dispositif lyonnais est structuré en “services” (renseignements, opérations, etc.).
Joseph Lécussan dirige le 2e service (documentation/renseignements) d’avril 1943 à mars 1944, menant arrestations et perquisitions en civil. Paul Touvier, promu chef local à l’automne 1943, pilote la traque des “adversaires politiques” en constituant des fichiers détaillés. Un aumônier, l’abbé Stéphane Vautherin, est rattaché à la Milice lyonnaise.
Méthodes et “faits” caractéristiques à Lyon
Arrestations ciblées et perquisitions : Équipes en civil (2e service) procèdent à des filatures, enlèvements, fouilles d’appartements et démantèlements de planques de résistants, souvent avant transfert vers les lieux d’interrogatoire allemands et la prison de Montluc.
La Franc Garde mène des “coups de main” contre militants présumés, avec passages à tabac, tirs à courte distance et exécutions en représailles, dans une logique d’intimidation publique et de terreur locale. La Milice sert d’auxiliaire aux rafles et au repérage des Juifs, identifiant logements, contrôlant papiers, participant à des coups de filet montés avec la Gestapo à partir de 1943–1944.2
À côté des opérations de rue, une cour martiale milicienne siégeant à Lyon prononce des peines capitales dans des procédures expéditives. 45 résistants sont condamnés à mort par cette juridiction durant la période, dans le cadre de l’arsenal répressif de Vichy et de la Milice.
Exemple d'actions de la Milice autour des Brotteaux et du 6e arrondissement
- Arrestation d’André Bollier et démantèlement d’un noyau Combat - Date et lieu exact : 17 juin 1944, secteur Brotteaux–Part Dieu (proximité 6e). Groupe impliqué : Milice française et Gestapo (opération conjointe). Cible/résistants : André Bollier (dit “Vélin”, polytechnicien, imprimeur clandestin de Combat) et camarades (Paul Jaillet, Francisque Vacher). Impact estimé : Coup dur à la filière d’impression et de diffusion de Combat dans la métropole lyonnaise ; perte de savoir faire technique (linotype, faux papiers) et de liaisons locales, accroissant la pression sur les réseaux du 6e et des Brotteaux.
Les éléments précis sur l’arrestation d’André Bollier (date, acteurs, effets sur la filière Combat) sont bien établis dans les parcours lyonnais de la Résistance, qui soulignent la participation conjointe de la Milice et de la Gestapo et l’impact sur l’appareil d’impression clandestin.
- Interceptions et filatures de boîtes aux lettres clandestines - Date et lieu exact : 1943–1944, lignes de liaison urbaines reliant Presqu’île–Croix Rousse–Brotteaux ; points de passage vers le 6e. Groupe impliqué : Gestapo et Milice (surveillance et interpellations en binôme). Cible/résistants : Boîtes aux lettres et porteurs de messages (réseaux AS/Combat/Franc Tireur), dont des trajets empruntant Brotteaux pour diffuser vers le 6e. Impact estimé : Série d’arrestations par lecture et remise en place de messages interceptés; désorganisation temporaire des liaisons et sécurisation renforcée des parcours dans et autour du 6e.
- Rafles et coups de main contre planques et ateliers du 6e - Date et lieu exact : Hiver 1943 – été 1944, perquisitions ciblées dans le 6e (secteurs Foch, Brotteaux, Masséna). Groupe impliqué : Milice en appui ou en première ligne, avec Gestapo pour l’interrogatoire. Cible/résistants : Appartements planques, ateliers d’impression, caches de faux papiers et radios reliés aux mouvements Combat et Libération. Impact estimé : Arrestations de logisticiens, saisies de matériel et de stocks ; nécessité pour les groupes francs du 6e de raccourcir leurs “rendez vous” et de compartimenter davantage les équipes.
- Harcèlement et violences anti résistantes sur le secteur Brotteaux - Date et lieu exact : Printemps–été 1944, abords gares et grands axes du 6e (ponts du Rhône, Brotteaux). Groupe impliqué : Milice et services allemands (postes volants, contrôles, coups de filet). Cible/résistants : Porteurs d’armes et de tracts, courriers circulant entre Lyon centre et les liaisons vers Caluire/Villeurbanne. Impact estimé : Augmentation des pertes par arrestations “à chaud”, détours imposés aux filières du 6e, ralentissant la préparation des sabotages coordonnés de l’été 1944.
Notes sur les sources et limites : Les actions Milice–Gestapo sont souvent fusionnées dans les archives. Beaucoup d’opérations “du 6e” rayonnent avec les Brotteaux/Part Dieu, ce qui explique les formulations par secteurs et l’imbrication des cibles et des acteurs.
Chefs de l’appareil répressif allemand à Lyon
Au cœur de la répression, on trouve la Sipo-SD (Police de sécurité et Service de sécurité) basée à Lyon, avec un commandement allemand structuré et des officiers SS responsables des opérations, des interrogatoires et des déportations. Voici les principaux responsables et leur rôle.
Commandement Sipo-SD à Lyon
- Werner Knab (SS-Obersturmbannführer). Fonction : Chef de la Sipo-SD à Lyon (KdS), supérieur hiérarchique local des services répressifs allemands. Rôle : Direction stratégique des opérations de sécurité, coordination avec la Feldgendarmerie, priorisation des cibles (résistance, “ennemis politiques” et Juifs), supervision des sections Gestapo (IV) et SD (III). Empreinte : Appareil centralisateur faisant de Lyon un chef-lieu régional de la répression après novembre 1942.
Structure et lieux clés :
- Hôtel Terminus et annexes comme nœuds d’interrogatoires et de commandement.
- Prison de Montluc sous contrôle allemand pour le “tri”, la détention, les départs de convois et les représailles.
Gestapo de Lyon (section IV)
- Klaus Barbie (SS-Hauptsturmführer), “chef de la Gestapo de Lyon”. Fonction : Chef de la section IV (Gestapo) à Lyon, responsable des enquêtes, arrestations, interrogatoires et opérations de terrain. Rôle opérationnel : Filatures, rafles, interrogatoires avec torture, exécutions sommaires; pilotage d’équipes mixtes avec auxiliaires et miliciens.
Actions emblématiques : Arrestation de Jean Moulin et des chefs de la Résistance à Caluire (21 juin 1943). Rafle de la rue Sainte Catherine (UGIF) à Lyon, arrestations massives et déportations. Rafle et déportation des enfants d’Izieu (6 avril 1944), conduite depuis Lyon. Exécutions de représailles à Saint Genis Laval et fusillades de Bron (août 1944).
Empreinte : Terreur méthodique contre les réseaux résistants et les Juifs, avec usage systématique de la prison de Montluc comme sas.
SD (section III) et autres services
- Section III (SD – renseignement intérieur). Fonction : Collecte d’informations politiques et sociales, infiltrations, exploitation de sources et d’indicateurs. Interaction : Travaille en amont et en appui de la Gestapo; ses analyses alimentent les rafles et coups de filet.
Feldgendarmerie et services auxiliaires. Fonction : Contrôles, barrages, escortes de convois, appuis aux opérations urbaines; participation aux arrestations et transferts vers Montluc.
Comment ces chefs ont articulé la répression
- Centralisation à Lyon : Le KdS (Knab) fait de Lyon le pivot régional ; les ordres et priorités se déclinent vers la Gestapo (Barbie) qui exécute les opérations.
- Synergie coercitive : Renseignement (SD) → surveillance/filatures → arrestations/interrogatoires (Gestapo) → incarcération à Montluc → déportations ou exécutions.
- Appuis locaux : Usage régulier d’auxiliaires français (dont Milice) pour repérage, gardes et coups de main, amplifiant l’emprise sur la ville.
Héritage judiciaire : Barbie sera jugé en France des décennies plus tard; la chaîne de commandement Sipo SD à Lyon est aujourd’hui bien documentée par les institutions mémorielles.
Les sites de répression et de détention structurent la mémoire urbaine, rappel permanent du prix humain payé pour chaque progrès de la Résistance. La répression a été un choc continu. Elle a saigné les réseaux, désorganisé leurs routines, mais elle les a aussi forcés à devenir plus agiles, plus clandestins, et à se fédérer. À Lyon, capitale de la Résistance et de la répression, tout s’est joué sur ce fil.
Arrestations, tortures, exécutions et déportations ont fauché des chefs (politiques, logistiques, imprimeurs, artificiers), brisant des chaînes de confiance difficiles à reconstituer. Saisies d’imprimeries, de radios, de caches d’armes et de faux papiers; démantèlement de planques et de “boîtes aux lettres”, obligeant à tout rebâtir ailleurs. Filatures, lectures de courriers replacés, infiltrations d’indics; perte de routes sûres et d’horaires “habituels”, donc ralentissement de la coordination.
Les réseaux ont adapté leurs méthodes : cellules plus petites, cloisonnement strict des infos, “coupe-circuits” pour limiter l’effet domino après une arrestation. Lieux et horaires changeants, rendez vous “élastiques”, itinéraires multiples; abandon de toute routine repérable. Papiers plus crédibles, identités tournantes, files d’attente “jouées” pour coller aux contrôles ; formation d’équipes dédiées. Mots de passe dynamiques, objets signal discrets, usage plus rigoureux des codes radio et des caches compartimentées. Plus de relais médicaux, religieux, ouvriers et étudiants; dispersion du risque sur des milieux variés.
Moins de coups spectaculaires, plus de harcèlement : après les coups durs, priorité aux sabotages courts et simultanés, plutôt qu’aux opérations longues et risquées. Les actions urbaines servent de diversion pour protéger les maquis ou couvrir des parachutages et des replis. Attente de périodes favorables (relâchement ponctuel, changements d’unités ennemies) plutôt que calendrier fixe.
Prison Montluc à Lyon
Lieu de détention central sous Vichy puis l’Occupation, Montluc incarne la mécanique de la répression à Lyon: arrestations, interrogatoires, incarcérations massives, départs de convois, exécutions en représailles. Son histoire, de prison militaire à haut lieu de mémoire, se lit encore dans ses cellules et ses registres.
Montluc se situe au 4, rue Jeanne-Hachette (Lyon 3e). Construite en 1921 comme prison militaire attenante au tribunal militaire, elle compte 122 cellules individuelles (127 places au total) et des espaces administratifs, douches, ateliers et cours de promenade. Peu utilisée au départ, elle est rattachée à la justice civile en 1926 et ferme en 1932, avant de rouvrir en novembre 1939 avec la guerre.
En zone Sud, Montluc devient un outil de répression du régime de Vichy (1940–février 1943) : y sont internés communistes (dès 1939), premiers résistants, “suspects” de l’état de siège; la surpopulation atteint environ 360 détenus pour 127 places. Réquisitionnée par les Allemands (février 1943–24 août 1944), Montluc sert de prison militaire allemande; plus de 10 000 personnes y transitent entre le 17 février 1943 et la Libération de Lyon, parmi lesquelles Jean Moulin et Marc Bloch. Klaus Barbie y exerce des responsabilités dans l’appareil répressif allemand à Lyon.
Rafles, interrogatoires, “tri” : Montluc est le nœud carcéral où convergent résistants, Juifs et otages arrêtés lors de rafles urbaines; on y “tient” les détenus en attente de déportation, transfert ou exécution. Des milliers de personnes y sont enfermées dans des conditions inhumaines. Depuis Montluc s’organisent des départs de convois vers les camps; nombre de détenus non déportés sont fusillés par représailles. La mémoire officielle retient près de 10 000 victimes passées par Montluc sous l’Occupation.
Après 1944, Montluc redevient une prison (civile), avant sa fermeture définitive en 2009 ; le site est inscrit Monument historique la même année. Il est désormais un mémorial national ouvert au public, dédié aux résistants, Juifs et otages passés par ses cellules, avec un parcours historique et pédagogique. Ce que l’on voit aujourd'hui : cellules conservées, cours, couloirs; cartels biographiques et dispositifs sonores restituant lettres et récits de détenus.
Bombardements et libération (été–automne 1944)
Bombardements de fin de guerre : à mesure que les fronts se rapprochent, la ville subit des bombardements lourds ; des bâtiments emblématiques sont touchés, dans un climat d’attente d’un soulèvement que les FFI régionaux évitent, faute d’armes, pour prévenir une répression aveugle.
Lyon est libérée le 3 septembre 1944 par l’armée américaine et les forces françaises issues du débarquement de Provence (15 août 1944), avec l’appui des FFI ; l’entrée alliée se fait sans insurrection préalable généralisée, choix stratégique des chefs locaux pour limiter les pertes civiles.
Lieux de mémoire et traces dans la ville de Lyon
La ville garde encore aujourd’hui une mémoire vivante de cette période. Parcours du CHRD (Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation) : Plaques, stèles, anciens sièges, prisons et gares jalonnent des parcours urbains thématiques pour comprendre 1939–1945 à Lyon; ils mettent en récit la double identité de la ville, Résistance et répression.
Lyon aujourd’hui : entre héritage et innovation !
Après-guerre, Lyon poursuivit sa modernisation avec le développement de la Part-Dieu, de son aéroport et de son réseau de transports. Lyon se redresse rapidement et connaît un vigoureux développement urbain, avec l'édification d'un grand nombre de quartiers d'habitation. Dotée d'industries puissantes et d'un secteur tertiaire en plein essor, la ville tient son rang de grande métropole française et européenne.
Ville étudiante, culturelle et gastronomique, Lyon incarne parfaitement l’alliance entre tradition et modernité. De la colline de Fourvière aux quais du Rhône, en passant par la presqu’île et le quartier contemporain de la Confluence, chaque visiteur y trouve un voyage dans le temps. Inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1998, le centre historique de Lyon offre un continuum urbain rare. De l’Antiquité à l’urbanisme haussmannien de la Presqu’île, jusqu’aux reconversions contemporaines de Confluence.
L’histoire de Lyon est celle d’une cité qui a su se réinventer sans jamais oublier son passé. De la capitale des Gaules à la métropole dynamique du XXIe siècle, elle continue de fasciner par son patrimoine et son énergie. De l’héritage des mères lyonnaises à Paul Bocuse, la cuisine sublime les abats, quenelles, cervelle de canut et bugnes. Les bouchons, avec leurs nappes à carreaux, restent des lieux de convivialité brute.
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